Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/93

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ogives des Plantagenets, les hautes cheminées crénelées, les fenêtres à meneaux, la sombre brique ou bien les floraisons de pierre des Tudors, les ciselures, les bas-reliefs de la Renaissance, les frontons classiques des dynasties d’Orange et de Hanovre. Voici les cloîtres, les quadrangles, où méditèrent un Newman, un Shelley, un Newton, un Addison, tel martyr de la Réforme, tel moine studieux d’un vieux siècle catholique. En ce grand vaisseau vénérable où les étudians s’assemblent pour leurs repas, sur les hauts lambris gothiques, règnent les portraits des grands hommes d’hier et d’autrefois, qui s’assirent étudians sous ces mêmes lambris, — un Gladstone à côté d’un Wolsey, un Macaulay auprès d’un Newton. Et rien n’est mort ; pas une ruine abandonnée : partout la vie qui se continue en toute lenteur et dignité. Tout s’harmonise et se relie, comme dans leur vétusté grise et leurs tentures de lierre ces architectures sérieuses où vivent ensemble les siècles successifs.

Et c’est la verte paix des pelouses, des nobles parcs où le temps semble suspendu. On erre sous de profonds chênes, au bord d’un ruisseau, dans une allée qui fut la promenade favorite d’Addison. L’heure tinte à notes espacées ; elle tombe du beffroi gothique de Magdalen. C’est la tour dont les professeurs font l’ascension le 1er mai, en robes et bonnets carrés, pour chanter, comme aux temps catholiques, au soleil levant, un hymne latin à la Sainte-Vierge. Des chevreuils errent en liberté dans un parc tout engourdi de brume ; leur sécurité semble faire partie de tout l’ordre ancien de l’Angleterre. Plus loin, devant un éclatant parterre de grands pavots, sous des ogives dont la pierre noircie s’écaille, des étudians en claire flanelle lisent, enfoncés en de profondes chaises d’osier. C’est le dimanche ; des fellows[1] qui sont des membres du Parlement, des écrivains, des barristers, sont venus de Londres pour se reposer ce jour-là dans la paix et la beauté de leur vieux collège. Dans le chœur ils assistent au solennel service de Christ-Church. Au-dessous d’eux, en rang dans leurs stalles, de beaux jeunes gens, nobles et commoners, qui seront les chefs de leur génération, hier en tricot de football, aujourd’hui vêtus de fin blanc, entonnent les répons du culte national. Alentour, des tombes d’évêques, d’hommes d’Etat, de chevaliers et princes féodaux qui furent les chefs des générations

  1. Agrégé des collèges.