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instrumentale, langue plus riche, plus variée, moins arrêtée, et, par son vague même, incomparablement plus puissante en pareil cas. »

Quoi qu’en puisse dire Berlioz, — et l’événement, au début du moins, l’a bien fait voir, — de semblables raisons n’étaient pas alors si « faciles à saisir. » Elles le sont devenues. Mais une chose est certaine, c’est qu’elles étaient, qu’elles sont dépure musique. M. Boschot, les reprenant à son compte, les expose, les approuve comme telles, comme étant à l’honneur de la musique pure, de la symphonie, dont elles semblent annoncer, dans un sujet dramatique, et presque au théâtre déjà, l’avènement et le règne futur.

À cet aperçu du rôle de Berlioz dans le progrès, — ou l’évolution, — de l’art, M. Boschot ajoute çà et là, pour finir, des vues plus générales encore. « Pages sans doute immortelles, » écrit-il des plus belles pages de Roméo et Juliette, « et si l’on essaie de les situer dans l’histoire de la musique symphonique, on ne peut se défendre contre l’émotion : dès 1839, dans ce Paris qui est l’une des capitales de l’art, et qui fut souvent la première, elles ouvraient à la musique une carrière inconnue. »

Un ami de Berlioz, et qui fut un de ses prophètes, un de ses apôtres, saluait en ces termes l’apparition de Roméo : « Que faire dans la symphonie après Haydn, après Mozart, après Beethoven ?… Berlioz a fait autrement… Obéissant instinctivement à cette force des choses qui, dans chaque ordre d’idées, entraîne tout élément à son but, il a trouvé le moyen de faire embrasser le drame lyrique et la symphonie dans une magnifique unité et de leur faire contracter une alliance intime… La symphonie et le drame ne demandaient pas mieux. »

Souscrivant à ces anciennes conclusions, et pour conclure lui-même, l’écrivain moderne ajoute : « Par ces mots, Joseph d’Ortigue, mystique et avisé, critique et intuitif, n’était pas loin de définir le rôle de Berlioz dans l’histoire de la musique : servir, par son génie de l’expression orchestrale, à cette fusion du drame et de la symphonie, d’où sont sortis, avant la fin du XIXe siècle, le drame lyrique wagnérien et le poème symphonique. »

À la seule condition de renverser l’ordre des deux derniers termes et de donner le pas au poème symphonique, il est difficile de mieux dire, de mieux déterminer, en les rectifiant, les positions respectives, au moins suivant le temps, de Wagner et de Berlioz, dans le grand mouvement appelé trop souvent, d’un seul nom, le mouvement wagnérien.

Mais décidément, à la fin du volume, le biographe reprend la