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générale du Travail, et les ouvriers sont venus en rangs pressés. C’est donc la Confédération générale qui a agi, qui est coupable, qui est responsable, qui aurait dû être frappée. Pourquoi ne l’a-t-elle pas été ? Il est facile de le comprendre. Au premier moment, des journaux habituellement bien renseignés ont dit que la Confédération générale avait vécu : c’était sans doute la première intention de M. Clemenceau, et c’était la bonne. Mais à ce moment, les ministres étaient dispersés, et M. Clemenceau avait oublié qu’il s’était donné un certain nombre de collaborateurs socialistes. Les ministres étant revenus, M. Clemenceau s’est aperçu qu’il n’était pas le maître. Voilà pourquoi on a entamé des poursuites contre quelques hommes, qui ne sont rien, et on n’a osé rien entreprendre contre la Confédération générale, qui est tout.

Mais, a-t-on dit encore, à quoi bon dissoudre la Confédération générale ? Il s’en formera une autre aussitôt, et on n’aura rien gagné au change : argument commode pour ceux qui ne veulent rien faire. Au point où en sont les choses, et avec un gouvernement dont tout le monde sait que l’énergie est intermittente, la simple dissolution de la Confédération générale n’aurait évidemment pas eu du premier coup toute l’efficacité désirable ; il aurait fallu que cette première mesure fût suivie de quelques autres ; pourtant, si, derrière elle, on avait senti une volonté ferme, résolue à pourvoir à toutes les nécessités qui s’imposeraient, l’effet moral aurait certainement produit quelques conséquences appréciables. Cette volonté ne s’étant pas manifestée, c’est le contraire qui est arrivé : la Confédération générale du travail est devenue plus arrogante, et elle semble bien être aussi puissante que jamais. Peut-être même l’est-elle davantage. Les ordres qu’elle donne, pour n’être plus contresignés par M. Griffuelhes, n’en sont pas moins suivis. M. Griffuelhes est prodigieusement facile à remplacer ; on trouve des hommes de son espèce autant qu’on en veut : uno avulso non deficit alter ; peu importe que M. Griffuelhes soit en prison si la Confédération générale continue d’opérer en liberté. Or elle continue, et, par suite d’un fait qui, quoi qu’on en dise, était inattendu au moment où il s’est produit, ses forces se sont subitement accrues dans une proportion considérable : la Fédération des mineurs s’y est affiliée.

Il s’agit des mineurs du Nord et du Pas-de-Calais, qui ont une place à part dans l’histoire du mouvement syndical, et cette histoire est en somme à leur honneur. Ils ont obtenu, et ils en sont justement fiers, des résultats supérieurs à ceux de tous les autres groupemens