Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/960

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au moyen desquelles ils exercent sur la société un chantage indécent Nous sommes partisan de la loi de 1884 sur les syndicats professionnels, mais l’application qu’on en a faite n’en est-elle pas la pitoyable caricature ? La plupart des syndicats sont organisés irrégulièrement, illégalement : on n’ose pas y toucher, parce qu’ils se sont placés sous l’aile tutélaire de la Confédération générale du Travail, et on ose encore moins toucher à la Confédération elle-même. La Bourse du Travail a été, elle aussi, complètement détournée de son objet. On en a exilé quelques syndicats par trop irréguliers qui, prévoyant le coup, s’étaient déjà pourvus ailleurs et vont s’y loger : mais la Bourse elle-même reste aussi intangible que la Confédération générale. Dès lors, ce qui devait arriver arrive : par la manière dont on le traite, on irrite le mal au lieu de le guérir. Il est possible que la Confédération générale sente l’utilité de se donner un peu de répit et que, après tout ce qu’elle vient de faire, elle s’arrête quelque temps pour respirer : encore rien n’est-il moins sûr. Mais on ne l’a ni sérieusement inquiétée, ni intimidée, et elle reprendra bientôt le cours de ses exploits ; M. Pataud s’est fait couvrir d’applaudissemens, dans une réunion de deux mille personnes, en annonçant comme prochaine la grève générale. « Elle peut être faite, a-t-il dit, par quelques milliers de travailleurs seulement. Il suffit de paralyser les forces vives de la production et de l’échange, de frapper là où se trouve le centre de toute la vie économique du pays. » On ne comprend pas très bien ce que cela veut dire, mais les menaces les plus vagues sont quelquefois les plus dangereuses. Nous redoutons d’ailleurs beaucoup moins la grève générale que l’état d’esprit qui, au milieu de ces déclamations véhémentes, a déjà amené tant de ruines. On a faussé l’esprit des ouvriers et on s’applique, chaque jour, à décourager chez les patrons l’esprit d’entreprise. Si cela continue, la crise, que nous traversons sera peu de chose à côté de celles que nous réserve l’avenir.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.