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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/141

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qu’impuissans ; elle a eu ses apôtres, ses martyrs. L’histoire de leurs tentatives et celle de leurs échecs est particulièrement intéressante à rappeler au moment où, comme la Belle-au-Bois-dormant, la Constitution de 1876 s’éveille d’un sommeil de trente-deux ans à l’appel des officiers du Comité Union et Progrès.

Le progrès des idées libérales en Turquie se dessine après la grande secousse européenne de 1830. Il est activement favorisé par l’Angleterre qui, pour affranchir l’Empire ottoman de la tutelle russe imposée par le traité d’alliance d’Unkiar-Skélessi, le pousse dans la voie des réformes et de la centralisation. Le cabinet de Londres conseille au Sultan, pour supprimer tout prétexte à une intervention russe, de fondre les populations chrétiennes dans une Turquie modernisée, tolérant», libérale et parlementaire. Abd-ul-Medjid promulgue le hatti-chérif de Gul-Hané qui inaugure les lois du Tanzimat[1] ou « nouveau régime ; » il proclame l’égalité devant la loi, la suppression de toute distinction entre les sujets du Sultan, bref, tous les principes qui viennent d’être remis en vigueur. Toutes ces réformes politiques et sociales restèrent lettre morte. Au traité de Paris, en 1856, sous les auspices de l’Angleterre et de la France, la Turquie entre définitivement dans le droit public européen ; elle promet solennellement de se transformer en une puissance moderne et civilisée ; Abd-ul-Medjid promulgue le hatti-humayoun du 18 février, par lequel il rappelle et confirme « les garanties promises et accordées à tous nos sujets par le hatti-chérif de Gul-Hané et par les lois du Tanzimat, sans distinction de culte, pour la sécurité de leur personne et de leurs biens et pour la conservation de leur honneur. « Onze ans après, en 1867, le marquis de Moustier, ministre des Affaires étrangères de Napoléon III, constatait que le firman de 48S6 n’avait pas donné plus de résultats pratiques que les lois du Tanzimat, et le comte de Beust, préconisant une autre méthode, proposait que l’Europe prît elle-même en mains l’exécution des réformes et fit au Sultan « une douce violence. »

Un homme, cependant, travaillait de tout son pouvoir à faire passer dans la réalité pratique les principes du Tanzimat et du firman de 1856. Dans le fait que la Turquie, malgré ses engagemens, refusait de se donner un régime européen et moderne

  1. A. Engelhardt, la Turquie et le Tanzimat ou Histoire des réformes dans l’Empire ottoman depuis 1826 Jusqu’à nos jours. Paris, 1882-1884, 2 vol. in-8.