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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/155

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regarde, on aperçoit des sources de conflits et d’embarras. Le Comité le sait et il s’y prépare ; mais comprend-il que sa propre existence à côté des pouvoirs réguliers, est, par elle-même, un ferment d’anarchie ? Des grèves ont éclaté un peu partout aussitôt après la proclamation de la Constitution. Les peuples, quand on leur octroie brusquement des libertés auxquelles ils sont mal préparés, se défendent difficilement de la tentation d’en abuser.

L’Organisation intérieure bulgare, épuisée par six années de lutte, affaiblie par ses divisions intestines, a saisi avec satisfaction l’occasion que lui offrait la révolution « jeune turque » pour changer ses méthodes de propagande. Les Grecs, de leur côté, ne pouvaient plus continuer la lutte armée ; les Jeunes Turcs étaient trop profondément nationalistes pour tolérer le désordre et les massacres que leurs bandes ont causés dans ces derniers mois. Le Comité Union et Progrès fit donc savoir à toutes les organisations nationales que, si elles n’entraient pas en composition, elles seraient poursuivies sans merci. Les Grecs, croyant d’abord n’avoir à faire qu’à une révolte passagère, continuèrent leur action (18 juillet : massacre au village bulgare de Ribatzi, vingt-cinq victimes) ; quand ils comprirent que décidément il y avait quelque chose de changé en Turquie, les bandes reçurent l’ordre de se disperser ; on vit, à partir du 4 août, les anthartes affluer à Salonique, déposer leurs armes entre les mains du Comité Union et Progrès, quitter leurs costumes d’opéra comique et s’embarquer pour la Grèce. Quant aux comitadjis bulgares, à la suite d’un accord avec les Jeunes Turcs, ils ont remis leurs armes à leurs propres comités ; l’Organisation intérieure accorde tout son concours à l’établissement du régime constitutionnel, mais elle réserve son action à venir au cas où le nouveau régime ne donnerait pas aux Bulgares toutes les garanties qu’ils souhaitent. Les élections vont se faire sous l’influence du Comité Union et Progrès : la répartition des sièges entre les diverses nationalités sera une première cause de désaccords ; la question des écoles en sera une seconde. Enfin, dans tout l’Empire, les nationalités non turques demanderont au Parlement une large décentralisation administrative dont elles espèrent faire sortir une véritable autonomie de fait. Un tel programme est incompatible avec les principes nationalistes des Jeunes Turcs. Entre ces intérêts divergens et ces tendances