Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/168

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les difficultés que présente l’étude des instrumens à vent, si elles ne sont pas les mêmes, sont cependant analogues à celles qu’offrent les instrumens à cordes. Ce que la main et l’archet font pour ceux-ci, le souffle doit le faire pour les premiers, c’est-à-dire prendre à temps ou retenir la respiration, donner aux sons la netteté, la grâce, la légèreté, la gravité et la profondeur, l’éclat ou le mordant, toutes les qualités, en un mot, qui font le charme de ces instrumens.

Nous n’avons pas à dire ici quelle est la puissance expressive d’un orchestre d’élite, alors qu’avec des talens supérieurs toutes les ressources combinées des sonorités et des rythmes sont mises au service d’une grande œuvre musicale. Sous la direction d’un chef habile, grâce à l’homogénéité parfaite qu’il peut obtenir de ses collaborateurs, un tel orchestre devient comme un instrument unique doué d’une puissance merveilleuse. Animés d’un même esprit, tous les exécutans mettent au service de la pensée du maître leurs talens unis pour une action commune, avec les qualités de discipline, d’initiative ou de discret effacement qui font les interprétations accomplies.

S’il ne dispose pas de la parfaite continuité de sons que possèdent les autres instrumens, le piano rachète pour le musicien cette défectuosité en lui fournissant, pour ainsi dire, l’équivalent d’un orchestre. Un pareil avantage explique l’importance qua prise le piano et les efforts des facteurs et des virtuoses pour en perfectionner la fabrication et le jeu.

On sait ce que les uns et les autres ont fait pour développer sa puissance, régler son timbre, amplifier ou diminuer chez lui la résonance des sons. Qu’on songe aussi à la quantité et à la complication des exercices, — véritable fléau de certaines habitations parisiennes, — auxquels, dès l’âge le plus tendre, sont astreints ceux qui veulent devenir des virtuoses. La plupart des grands compositeurs : Bach, Mozart, Beethoven, Mendelssohn, Schumann ont été des pianistes de premier ordre. L’instantanéité à laquelle parviennent certains musiciens pour s’acquitter avec aisance d’actes cependant très complexes, comme celui du déchiffrement, par exemple, tient vraiment du prodige et semble presque incompréhensible. Mendelssohn se faisait un jeu de lire et d’interpréter à première vue, d’une manière irréprochable, les œuvres les plus difficiles. M. Camille Saint-Saëns, qui, de bonne heure, a su développer en lui des dons naturels tout à