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raison de leur puissance expressive, ont acquis une importance prépondérante ; d’autres, plus modestes, sont réduits le plus souvent au rôle de comparses et d’accompagnateurs. Parmi les premiers, les instrumens à cordes, — le violon et ses dérivés, l’alto, le violoncelle et la contrebasse, — occupent le premier rang. Leur fabrication a exercé la dextérité et l’intelligence de plusieurs générations de facteurs qui ont laissé des noms et créé des modèles restés célèbres. La qualité des bois, leurs propriétés, la structure de leurs formes délicates qui rappellent celles de la poitrine humaine, en font des chefs-d’œuvre très recherchés des amateurs et qui atteignent aujourd’hui des prix fort élevés. Suivant leur portée respective, les instrumens à cordes ont pour eux la continuité absolue des sons, c’est-à-dire la faculté de passer par degrés insensibles d’une note quelconque à la note immédiatement supérieure ou inférieure. On reste émerveillé de la correction irréprochable où atteint l’artiste de talent et des problèmes multiples qu’il est en état de résoudre pour obtenir la note juste, enfler ou diminuer progressivement un son isolé, le lier aux autres en tenant toujours compte des modifications de rythme les plus subtiles. Des exercices gradués, répétés chaque jour pendant plusieurs heures, ont pour objet l’éducation de son oreille et de ses mains et le mettent ainsi en mesure de posséder toutes les ressources de son instrument. Et ce n’est là cependant que la partie en quelque sorte matérielle de sa tâche qui, pour être efficace, exige le concours d’une volonté et d’une intelligence toujours vigilantes quand il s’agit d’interpréter les maîtres, et de donner à chacune de leurs œuvres le caractère et le style qui lui conviennent. Il semblerait que, préparé par des études si difficiles, le jeu des exécutans dût se ressembler et aboutir à une certaine uniformité. Si c’est le cas pour les talens médiocres, les artistes supérieurs ne sauraient se contenter de ce niveau moyen. Mais il leur faut redoubler d’efforts pour manifester, en même temps que l’originalité des grandes œuvres, leur propre originalité. Avec des nuances cependant très prochaines, des différences individuelles très marquées peuvent exister dans cette interprétation, à raison de la diversité des moyens et des sentimens des exécutans. Il y a tant de choses dans ces œuvres que, sans trahir les modèles, chacun peut s’appliquer à en exprimer des beautés différentes, insister sur les côtés qui le touchent davantage, ou qui sont le plus en rapport avec sa propre personnalité.