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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/184

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des premiers principes de leur art, connaissance qu’il devient pour eux impossible de se donner plus tard ! D’ailleurs, même dans les ateliers les plus réputés, ceux qu’y attire un sincère désir de s’instruire, profitent surtout de cet enseignement mutuel que leur vaut la fréquentation de camarades mieux doués qu’eux ou plus avancés dans la pratique de leur art.

On a beaucoup et depuis longtemps accusé l’Académie d’avoir à l’École des Beaux-Arts un enseignement officiel et d’imposer à ceux qui le reçoivent des doctrines exclusives, qui paralysent chez eux toute initiative. C’est là un vieux cliché que bien des gens ne se lassent pas de répéter, sans s’inquiéter aucunement de sa valeur. Remarquons tout d’abord que si l’enseignement de cette École est très recherché, — et le nombre de ceux qui en désirent l’accès le prouve assez, — personne n’est obligé de le subir. Les professeurs, du reste, n’appartiennent pas tous à l’Académie, et celle-ci, dans son propre recrutement, — il suffit de consulter la liste de ses élections récentes pour s’en convaincre, — témoigne de plus en plus d’une impartialité et d’un éclectisme absolus. Sans demander à ceux qu’elle choisit d’où ils viennent, elle accueille avant tout les talens qui lui semblent faire le plus d’honneur à notre école. Elle ne connaît d’ailleurs entre ses membres d’autres liens que ceux d’une affectueuse confraternité.

Il est vrai qu’autrefois, à certaines époques, le despotisme de quelques-uns des artistes qui ont fait partie de l’Académie, surtout dans la section de peinture, a pu peser sur les enseignemens qu’ils patronnaient plus ou moins directement. Depuis Le Brun jusqu’à Ingres, on en citerait facilement des exemples. Mais même à ces momens d’intolérance, il n’a jamais manqué, en France, de maîtres originaux pour se soustraire à de semblables contraintes et forcer eux-mêmes les portes de l’Académie. Watteau, Chardin et Fragonard lui ont appartenu, et à côté d’Ingres, si jaloux de son autorité, il convient de rappeler que Delacroix fut comme lui de l’Institut et que, sans avoir jamais ambitionné le titre de chef d’école, il groupait cependant autour de son nom toute la jeunesse ardente qui allait provoquer l’éclosion de l’art moderne. En dépit de l’exclusion systématique, qui trop longtemps interdit aux premiers de nos paysagistes l’accès des Salons, ceux-ci ont triomphé de tous les obstacles, et l’on ne saurait oublier que Corot proclamait hautement tout ce qu’il devait à la fréquentation et aux conseils de