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combien d’autres, au contraire, à peine arrivés à Rome, s’insurgent, se syndiquent contre toute autorité, réclament comme un droit l’abolition de tout travail réglementaire, la faculté de se marier, celle de voyager, où il leur plaît et quand il leur plaît, à travers l’Europe, sans être astreints à aucun séjour à Rome ; et surtout l’augmentation de leur pension, alors que des donations nombreuses faites en leur faveur, dans toutes les sections que comprend l’Académie de France, ont notablement amélioré leur situation pécuniaire, soit pendant leur séjour en Italie, soit à leur retour à Paris. La Villa Médicis, telle qu’ils la conçoivent, avec l’introduction des femmes et celle des ménages qui y seraient installés, avec le droit de s’absenter octroyé sans raison valable, deviendrait une sorte d’hôtel garni, très inégalement occupé, rarement rempli. Au charme de la vie commune, et des travaux variés, aux nobles émulations et aux franches camaraderies qu’on y trouvait, succéderaient bien vite les fâcheuses aventures et les étranges promiscuités auxquelles un pareil régime ne manquerait pas d’aboutir.

Pourquoi ne pas le dire ? c’est surtout parmi les élèves peintres que ces dispositions à la révolte ont pénétré. Certains d’entre eux ne songent même pas à ouvrir les yeux aux belles choses qui sont à leur portée : ils louchent sur Paris, sur les Salons, sur les marchands. Ils font à Rome ce qu’ils feraient bien mieux à Montmartre. Préoccupés à’ affirmer leur personnalité avant qu’elle existe, bien plus que de la mériter par leur travail, désireux avant tout des succès rapides, la vanité les aveugle et leur fait oublier les engagemens formels qu’ils ont pris vis-à-vis de l’État. On a vu l’un d’eux, il y a quelques années, — et ce trait marque assez l’esprit d’indiscipline de quelques-uns, — au mépris d’une disposition positive du règlement, ouvrir à Rome un atelier public. Sur l’observation venue de Paris que cet acte lui était absolument interdit, il objectait, avec une désinvolture charmante, qu’à raison des relations cordiales établies depuis peu entre la France et l’Italie, il lui avait paru convenable de faire profiter cette dernière de nos méthodes d’enseignement. Aux prises avec une présomption si candide, l’Académie ne pouvait que prescrire la fermeture immédiate de l’atelier ouvert par un pensionnaire aussi oublieux de ses devoirs.

D’une manière générale d’ailleurs, on a pu, d’année en année, constater un abaissement graduel de niveau dans les envois de