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ceux-ci n’avaient pas connues. Oublieux des avantages qui leur sont offerts et impatiens de toute règle, ils ne cessent pas de poursuivre l’Académie de leurs requêtes. N’ayant d’autre désir que de donner satisfaction à celles qui lui paraissent légitimes, celle-ci les examine avec bienveillance, essayant, comme c’est son devoir, de maintenir quelques restes d’une discipline que des abus notoires ont peu à peu compromise et qui n’a pourtant d’autre but que d’assurer à ces jeunes gens les bénéfices de la situation privilégiée qui leur est faite. A leur départ de Paris, ils ont accepté le règlement, très large d’ailleurs, auquel ils seront soumis ; à peine arrivés à Rome, ils entendent en violer à leur aise toutes les prescriptions. Avec un minimum de devoirs, ils réclament pour eux tous les droits.

Les pensionnaires de la Villa Médicis devraient sérieusement y réfléchir : c’est d’eux seuls que dépendent le sort et l’existence même de cette noble maison d’où sont sortis tant d’artistes éminens qui, au siècle dernier, ont fait l’honneur de notre pays. Qu’ils regardent, d’ailleurs, l’École d’Athènes et, tout près d’eux, l’École française du palais Farnèse, pour lesquelles ces questions de discipline n’existent même pas ! Qu’ils prennent exemple sur ces camarades, certainement moins favorisés qu’eux à bien des égards, mais qui, sentant tout le prix de ces années de préparation et de recueillement, si décisives pour leur carrière, ne demandent qu’à leur travail d’assurer leur avenir et la dignité de leur vie.


V

Mais l’éducation de l’artiste n’est pas seulement l’œuvre de sa jeunesse ; elle doit durer toute sa vie. Toujours en route vers la perfection, c’est un devoir pour lui de ne se croire jamais arrivé. Bien mieux que tous les maîtres d’ailleurs, ses efforts personnels peuvent suppléer aux lacunes de son instruction. Ce n’est qu’en cultivant sans relâchée son intelligence et en fortifiant sa volonté qu’il lui sera possible de le faire. Une grande activité matérielle est malheureusement compatible avec une certaine paresse d’esprit, car il ne s’agit pas seulement pour le peintre de se remettre chaque jour à la tâche de la veille, en se contentant de vivre sur le fond déjà acquis ; ce fond doit être incessamment accru, renouvelé par l’artiste, et il n’y a pour lui de