Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/197

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la masse des esprits ne soit obscurcie rend plus lumineux pour sa propre conscience l’immuable contenu de la révélation.


II

Plusieurs brochures allemandes, dès 1868, tracèrent à la future assemblée certains programmes singulièrement aventureux. Les deux principales, dont les auteurs se qualifiaient simplement d’« ecclésiastiques catholiques, » paraissaient écrites sous l’influence de l’école de Munich, à proximité de Doellinger. L’un de ces opuscules, relativement modéré, attaquait les Jésuites, l’Index, le célibat des prêtres, et soutenait sur les petits séminaires des théories qui devaient déplaire à Rome. L’autre, plus exalté, dessinait le plan d’un concile qui serait une immense représentation démocratique de l’Église. Tous les chrétiens y devaient être convoqués ; ils s’y rassembleraient par nations ; des congrégations nationales, sortes d’assemblées primaires, élaboreraient des propositions. Les évêques, groupés en congrégations épiscopales, étudieraient ces vœux de la foule. Les décisions seraient prises dans des séances solennelles. Lorsqu’il s’agirait de dogme ou de morale, les évêques seuls y voteraient ; si des questions de discipline étaient en jeu, ou de liturgie, ou bien encore de politique religieuse, les simples prêtres et les moines auraient droit à quelques suffrages. Les susceptibilités nationales seraient soigneusement respectées ; l’épiscopat de chaque pays aurait un nombre de voix proportionné au chiffre qu’atteignait dans ce pays la population catholique : si bien que l’Italie, où les petits diocèses pullulent, verrait nécessairement un certain nombre de ses évêques rester à la porte du concile ; tandis que l’épiscopat allemand, peu nombreux et régnant sur de vastes territoires, siégerait tout entier dans l’auguste assemblée. La façon dont s’étaient organisés les Pères de Trente, dont ils avaient délibéré, dont ils avaient voté, offusquait l’auteur anonyme ; il ne jouait si complaisamment au Sieyès que pour amener l’Église à réagir contre un tel précédent. Passant outre à trois siècles d’histoire, cet esprit avancé, qui peut-être n’était qu’arriéré, remontait jusqu’au XVe siècle, jusqu’à Constance, jusqu’à Bâle, pour adapter aux maximes de 1848 l’Église démocratisée. Il y avait une sorte d’anachronisme, à vouloir ressusciter, dans la catholicité à laquelle Pie IX présidait, les expédiens