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adressé aux catholiques badois. On y signalait qu’à la place du vrai catholicisme, une confession nouvelle se fondait : le vrai catholicisme exigeait tous les dix ans un concile provincial, tous les ans un synode diocésain ; la confession nouvelle installait un absolutisme ecclésiastique. Entre ces deux religions, l’Etat saurait discerner ; et ce n’est pas à celle-ci, assurément, qu’il attribuerait les biens de l’Église et reconnaîtrait des droits d’Église : traitant le romanisme en nouveau venu, il qualifierait officiellement d’héritiers légitimes du catholicisme les ennemis de l’autocratie papale. Ainsi fermentaient les impatientes espérances qui pousseront plus tard les « vieux-catholiques » à réclamer du pouvoir civil, en faveur de leur Église, un brevet d’antiquité et un sceau d’authenticité.


III

Mais déjà, derrière Janus, se dressait l’Etat bavarois. Louis II questionnait le nonce sur les rumeurs qui couraient au sujet de l’infaillibilité. Le professeur Haneberg rentrait de Rome ; il racontait qu’au début du concile Manning se lèverait, demanderait la définition de l’infaillibilité, que, « par une acclamation générale et bruyante, » les évêques soutiendraient Manning, et que le pape céderait, « entraîné par cet élan, ce mouvement du Saint-Esprit. » « Reisach et les Jésuites, Manning et tutti quanti, écrivait Doellinger, c’est une phalange formidable. » Et devant cette phalange tremblait la cour de Bavière, qui de vieille date détestait Reisach. Doellinger faisait pour le prince de Hohenlohe, président du ministère, un brouillon tout anxieux, tout apeuré, et ce brouillon était l’origine de la retentissante dépêche du 9 avril 1869, par laquelle Hohenlohe invitait les cabinets de l’Europe à s’entendre, pour la défense des idées modernes, pour la sauvegarde des droits des Etats.

Hohenlohe semblait croire que le concile s’occuperait de politique beaucoup plus que de théologie ; on eût dit qu’il perdait de vue, — si jamais son attention s’y fût attardée, — le discret et vaste travail par lequel se préparaient, à Rome, les décisions conciliaires relatives aux fondemens de la foi. Seule, l’infaillibilité l’occupait ; il agitait devant l’Europe, comme un épouvantait, l’annonce des prétentions théocratiques sous le joug desquelles le Pape infaillible courberait les gouvernemens temporels.