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IVe siècle même les incorrections de la papauté. La science de Doellinger. pointilleuse et taquine, expliquait mal la riche complexité des faits ; il y avait quelque chose de volontairement rétréci, d’humiliant pour l’humanité, dans cette méthode morose qui se targuait d’attribuer à une série de falsifications une apparition comme celle de la papauté.

Pour qu’une idée fit son œuvre, pour qu’elle fût vraiment une idée-force, suffirait-il, d’aventure, qu’elle jaillît un jour dans le cerveau d’un mystificateur ? L’apocryphe aurait-il une telle puissance architecturale, que des réalités massives et même grandioses pussent n’être rien de plus que les filles du mensonge, et non pas du mensonge de la légende, sorte de poésie parfois plus vraie que l’histoire, mais du mensonge pédant et mesquin subtilement préparé par des scribes ? Lorsque le Doellinger de 1869 rabaissait ainsi le grand phénomène religieux qu’offre l’épanouissement de la papauté, il ne prévoyait pas, apparemment, que bientôt l’Allemagne protestante, par la voix des Weiszäcker et des Harnack, rendrait au contraire hommage à la primauté romaine primitive et à la conception catholique de cette primauté, telle qu’un autre Doellinger, celui de 1830 et de 1840, l’avait brillamment défendue.

Mais l’Allemagne savante de 1869 se passionnait pour les anecdotes d’interpolations ou de grattages à travers lesquelles l’énigmatique Janus semblait dérouler, comme un roman d’aventures, toute l’évolution de la papauté. Le futur cardinal Hergenroether publiait l’Anti-Janus, et se refusait à croire, encore, que le publiciste auquel il ripostait fût véritablement Ignace Doellinger. Janus, — car c’était lui, — continuait d’instruire les clercs à l’université ; il avait sur eux une influence immense, « qu’on peut à peine comprendre si on ne l’a pas subie. » Ce sont les propres termes d’un théologien fort connu, le P. Weiss, dominicain, qui, de son aveu, se serait, à cette date, fait brûler pour Doellinger. Janus demeurait professeur, éducateur d’esprits, directeur d’éludés, au service de cette Église qui, s’il le fallait croire, bénéficiait depuis dix siècles de certaines tromperies.

Déjà pourtant Frohschammer, depuis longtemps sorti de l’Église, concluait que, pour être logique avec lui-même, Janus aussi devait faire exode. Un Espagnol résidant à Munich, Lianno, prêchait, dans ses brochures, la séparation d’avec le Saint-Siège ; et le même programme s’étalait, en mai, dans un curieux appel