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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/219

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de leurs propos pour essayer d’alarmer Berlin, et profitait de son crédit de diplomate pour achever de les inquiéter eux-mêmes. On ne retrouvait plus dans ses lettres, ni dans son langage, l’insouciance un peu dédaigneuse avec laquelle, naguère, il se désintéressait de l’infaillibilité : la seule évocation de ce dogme le harcelait, le tourmentait, et il songeait à une façon d’anti-concile, formé par les représentans des gouvernemens. Mais au loin Bismarck restait froid, passif, expectant : il écrivait à Arnim, le 5 janvier, que la législation, la puissance de l’opinion, la majorité protestante de la Prusse, garantissaient à l’avance ce pays contre les empiètemens de l’Église, et qu’en négociant avec le concile, on exposerait le roi de Prusse, soit à un échec, soit à un compromis où le droit public du royaume péricliterait. Il encourageait Arnim, cependant, à peser sur les évêques prussiens, à les soutenir moralement, à leur faire escompter même qu’en cas de désagrémens la Prusse revendiquerait leurs droits, à travailler enfin pour que « les élémens de vie religieuse propres au catholicisme allemand, combinés avec la liberté intellectuelle, avec les aspirations scientifiques, eussent une influence au concile. » Non pas que ces affaires, insinuait-il avec persistance, intéressassent beaucoup l’État prussien ; mais si Bismarck prenait la peine d’un tel souci, c’était, à l’entendre, par sympathie pour la vie religieuse des sujets catholiques.

Adieu donc l’anti-concile. L’Etat prussien répudiait les grands projets d’Arnim. Quelques conseils aux évêques, quelques paroles vibrantes, réconfortantes, devant une hospitalière table à thé : voilà tout ce qu’on demandait, tout ce qu’on permettait à cet impétueux personnage. Mais déjà son activité mortifiée se tournait vers Munich : le 8 janvier, il écrivait à Doellinger qu’il fallait provoquer une grande manifestation de l’opinion catholique allemande ; si cette opinion déclarait impossible d’accepter des lois de 500 Italiens, dont 300 vivaient aux frais du Pape, l’opposition reprendrait courage, et Rome réfléchirait. Le diplomate prussien marquait à la théologie bavaroise un terrain d’attaque : ce qu’il convenait de discuter, c’était la légalité de la composition du concile, c’était l’organisation, c’était la procédure, imposées par la curie.

Doellinger répondit à l’appel, mais ne suivit pas le programme : le 19 janvier, il renouvelait dans la Gazette universelle, sous le titre : « Quelques mots sur l’adresse des infaillibilistes, »