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ses agressions historiques contre la suprématie du Saint-Siège. L’article déchaîna dans toute l’Allemagne un immense fracas : la ville de Munich, qui avait une municipalité progressiste, nomma Doellinger citoyen d’honneur ; il refusa, disant qu’il s’agissait, en l’espèce, d’une affaire intérieure de l’Église, et qu’il avait voulu simplement, comme doyen des professeurs, affirmer son union avec le plus grand nombre des évêques allemands. Alors arrivèrent à Doellinger, de Breslau, de Braunsberg, de Bonn, de Prague, des adresses de professeurs, qui l’acclamaient : l’Allemagne savante protestait avec lui contre le projet de « mettre à la place de l’Église universelle, de tous les temps et de tous les pays, un seul homme, le Pape. » Un prélat italien, Cecconi, retrouvant un manuscrit des décrets du concile de Florence, prouva que Doellinger avait fait erreur, en accusant le Saint-Siège de les avoir falsifiés ; mais l’enthousiasme de la science allemande consola Doellinger de cette ennuyeuse rectification.

On ne sait ce que pensait Arnim ; mais son but n’était pas atteint. Il avait rêvé d’une action commune entre les évêques opposans et les professeurs de là-bas ; et la manifestation même que venait de faire Doellinger empêchait tout concert. En visant la majorité conciliaire, le professeur de Munich attaquait la foi même de la minorité, la foi que, dix ans plus tôt, au concile de Cologne, ces évêques de la minorité proclamaient et imposaient. Si Doellinger avait raison, que restait-il de la papauté ? Les évêques sentirent le péril : avant même que Senestrey n’eût défendu aux clercs de son diocèse d’assister aux cours de Doellinger, les prélats de la minorité, comme Scherr, comme Melchers, comme Krementz, avaient déjà, dans des lettres publiques, exprimé leur profond mécontentement contre l’article de la Gazette et conjuré l’opinion catholique de rester sereine, silencieuse, docile. « Je suis d’accord, proclamait Ketteler, avec le Doellinger qui, jadis, dans ses leçons, remplissait ses élèves d’enthousiasme pour l’Église et pour le Siège apostolique ; je n’ai rien à faire avec le Doellinger que maintenant les ennemis de l’Église et du Siège apostolique surchargent d’honneurs. » Et l’évêque de Mayence protestait contre un télégramme adressé à la Gazette universelle, et d’après lequel tous ses collègues allemands de la minorité, à l’exception de deux, auraient été d’accord avec Doellinger. Ketteler inaugurait ainsi la série de démentis