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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/229

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Arnim, tapi dans son aérienne légation, grisé peut-être par ce paysage grandiose qui lui donnait l’illusion de dominer la coupole même de Saint-Pierre, avisait au moyen de faire brèche dans l’unité de l’Église, resserrée solennellement autour de Pie IX. Si les évêques opposans de l’Allemagne avaient voulu faire sécession, ils pouvaient monter au Capitole : Arnim était là. « Sans vouloir vous insinuer de passer à l’Église évangélique, écrivait-il à un prélat le 18 juin, je vous rappelle pourtant la réponse que firent, à Augsbourg, les membres évangéliques de la Diète, lorsqu’on les pria de célébrer la Fête-Dieu avec Charles-Quint, par courtoisie : Nous ne sommes pas venus pour adorer, dirent-ils, mais pour supprimer des abus. « À cette lettre se joignait un long mémoire, qu’Arnim destinait aux évêques d’Allemagne. Si l’infaillibilité est votée, disait-il en substance, il sera prouvé qu’une puissance étrangère, installée à Rome, contraint les évêques d’Allemagne, contre leur conscience, d’admettre, comme une vérité révélée, un système que les puissances civiles répudieront toujours. Dès lors, on pourra dire que la hiérarchie, au lendemain du concile, ne sera plus cette même hiérarchie avec laquelle des traités étaient conclus, et que la Constitution protégeait. De là naîtront des difficultés sans fin, dans le choix des évêques ; on verra les Jésuites expulsés, la vie monastique entravée, l’Église chassée de l’école, et même, peut-être, une situation comme celle de la Pologne russe. Ce sera la faute de la minorité du concile, qui se sera soumise. On parlera de schisme si elle s’insurge ; mais le Vatican n’acculera pas les Allemands au schisme, et Pie IX, rendant les Français responsables de tout le mal, trouvera une issue. Que les évêques d’Allemagne aient le courage de se brouiller, non avec le Pape, mais avec Pie IX, et la confiance de leurs fidèles s’accroîtra.

On ne sait si le mémoire d’Arnim fut effectivement expédié à tous les prélats allemands de la minorité : ils ne se laissèrent, du moins, ni fourvoyer, ni affoler. Spectateur d’un moment unique dans les destinées chrétiennes, et rabroué par Bismarck chaque fois qu’il voulait être acteur, il semblait que ce mêle-tout, ainsi tenu à l’écart de la besogne des prêtres, voulait se mêler à la besogne de Dieu en accumulant les prophéties sur le lendemain, ce qui d’ailleurs est encore une façon d’y intervenir. Et, de fait, en quelque mesure, ces prophéties furent de l’histoire. Quelques critiques que dirigeât plus tard Arnim contre les procédés