Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/228

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les tentatives de conciliation qui s’étaient esquissées. Alors la minorité, qui espérait encore des avances et qui avait cessé d’en recevoir, dépêcha au Pape, le soir du 15 juillet, six de ses prélats : il y avait, parmi eux, Scherr et Ketteler. Ils demandaient la suppression, dans le chapitre sur la primatie, de la phrase affirmant que le souverain pontife avait la plénitude du pouvoir de juridiction ; ils souhaitaient qu’il fût stipulé, dans le chapitre sur l’infaillibilité, que cette prérogative papale ne pouvait s’exercer que d’accord avec le témoignage des Églises, ou bien, encore, d’accord avec l’épiscopat. Pie IX renvoya les six prélats à la députation de la foi, et la députation répondit par un refus.

C’est le 18 qu’on devait voter ; le 18, qu’un dogme nouveau devait être inscrit dans le Credo, irrévocablement. La minorité vaincue commençait de s’émietter. Fœrster, Beckmann, quittaient Rome, en écrivant qu’ils auraient voté non placet. Le 17 au matin, 64 prélats opposans tinrent une réunion, pour concerter leur conduite. Hefele voulait qu’on allât à la séance du lendemain, qu’on votât non, et puis qu’on sortît en refusant de se soumettre. Mais il sentit, tout de suite, que ses collègues n’iraient pas aussi loin. Il y en eut cinquante-six pour signer une lettre dans laquelle ils déclaraient que, par piété filiale, ils s’abstiendraient de porter devant le Pape leur non placet, et qu’ils partaient : Scherr, Dinkel, Eberhard, Hefele, souscrivirent à cette formule. Melchers et Ketteler écrivirent tous deux qu’ils s’éloignaient, et qu’à l’avance ils se soumettaient. Vingt-quatre heures plus tard, l’infaillibilité était un dogme, et la souveraineté spirituelle de Pie IX était exaltée par un suprême hommage, deux mois avant que sa souveraineté temporelle fût l’objet d’un suprême affront.


IX

Quarante années plus tôt, un ministre de Prusse, Bunsen, avait installé la Réforme à Rome ; là-haut dans sa légation, sur l’arête la plus aiguë du Capitole, une chapelle évangélique s’était ouverte, sous le pavillon de son roi, et Bunsen s’était fait poète pour chanter en vers provocans la revanche de Luther sur le Saint-Siège. Derechef, en 1870, dans cette Rome qui pour deux mois encore était au Pape, la colline du Capitole s’insurgeait ; et pendant les dernières semaines du concile,