Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/256

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ont été réveillées par l’excès même des maux qu’elles enduraient. Un exode de populations musulmanes en Bulgarie (Tartares et Circassiens), ordonné par le gouvernement turc après la guerre de Crimée (1860), accrut encore les souffrances séculaires et, à partir de 1868, il y eut, dans ces provinces, situées sur le Balkan et qui commandent Constantinople, un mouvement insurrectionnel à l’état chronique, qui fut, avec les affaires de Bosnie et d’Herzégovine, l’origine des événemens de 1877.

On cherchait encore « le Bulgare, » en 1875. La nouvelle des massacres, qui tentèrent d’étouffer dans le sang la révolte, apprit à l’Europe que ce peuple vivait, puisqu’il souffrait. La Russie avait entendu la voix des frères accablés. Cette population, nombreuse, dévouée et brave, était de taille et de volonté à devenir le fer et la pointe de la lance slave vers Constantinople. Le pacte fut vite conclu : les cœurs s’entendirent. Et l’Europe, — au moment où la voix de Gladstone s’élevait, — reçut le manifeste du 14 août 1876, « présenté par la nation bulgare aux grandes puissances de l’Europe, protectrices des peuples d’Orient. »

Dans ce manifeste, la nationalité bulgare se peignait elle-même :


Il existe, dans la Turquie d’Europe, un peuple infortuné répandu en grand nombre des deux côtés des Balkans... Peuple laborieux et paisible s’il en fut jamais, les Bulgares n’arrosent de leur sueur, depuis cinq siècles, la terre qu’ils cultivent qu’au profit presque exclusif de leurs oppresseurs... Les prétendues réformes turques n’ont jamais été qu’une amère dérision...


Quant aux événemens qui avaient illustré si affreusement la Bulgarie, ils n’étaient que trop réels, malgré les doutes professés d’abord par l’ambassade et le gouvernement britanniques. L’enquête poursuivie impartialement, par M. Baring, ne laissait plus de doute :


Les chiffres de quinze à vingt mille victimes et de plus de cent villages détruits ne paraissent pas exagérés[1] !...


La véritable cause de ces abominations, tolérées et ordonnées peut-être par le gouvernement turc, était dans le progrès récent de la Bulgarie, suscité par une aube d’espérance :

  1. Livre jaune, sous la date du 24 juillet.