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Tout le monde sentait que l’Allemagne était d’accord avec l’Autriche ; mais les dessous d’une intrigue si complexe échappaient. La diplomatie anglaise elle-même, toujours si attentive et si bien renseignée, n’osait se livrer absolument. Le spectre formidable de « l’alliance des trois empereurs » se dressait encore et obscurcissait tout. Une méfiance réciproque régnait entre les cabinets. Ils se cherchaient sans se trouver.

Au fond, en France, la tendance était à un rapprochement avec l’Angleterre. M. Thiers, nettement anti-russe, n’hésitait pas, quelque temps avant sa mort, à s’en expliquer auprès de ses amis d’outre-Manche : « L’Europe a été inique envers les Turcs, car la justice et le véritable équilibre de la paix universelle est avec eux. On aura fort à regretter l’abandon dans lequel on les a laissés[1]. »

Le duc Decazes écrivait, au début d’août, au marquis d’Harcourt, ambassadeur à Londres :


Il est essentiel que tous sachent bien que jamais nous n’avons refusé d’étudier avec l’Angleterre les questions qui s’agitent, que nous avons, au contraire, recherché en toutes occasions cet examen en commun, nous tenant tout naturellement sur la réserve, mais ayant toujours prévenu que la porte était ouverte à toutes les indications, qui ne pouvaient venir de nous, mais auxquelles tout accueil était promis et assuré. Cela doit être dit simplement, ainsi qu’il convient de la part de gens qui ne songent pas à solliciter une alliance, mais qui ont le sentiment très profond que les intérêts des deux pays commandent une étroite entente et qui la désirent, aussi bien par sympathie que par raison.


A Londres, on paraissait répondre à ces sentimens par des sentimens analogues. Le prince de Galles, dont les tendances peu sympathiques à l’Allemagne étaient notoires, venait à

  1. Lettre à M. Henry Keeve, le 8 août 1871. Memorial diplomatique, année 1877 (p. 591).