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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/265

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préalable, Krudener se heurte à cette position. Il attaque, il est repoussé. Le lendemain, ayant reçu des renforts, il attaque encore, il est repoussé de nouveau et battu à plates coutures. Sa défaite lui coûte 6 000 hommes.

Il n’est plus question, pour les Russes, de suivre Gourko et de franchir les Balkans. Le triangle a fléchi vers la droite ; il faut le resserrer, se rapprocher des bases d’opération. Le grand-duc est battu lui-même avec des pertes énormes. On n’a pas assez de troupes pour bloquer Osman pacha ; celui-ci a su garder ses communications et reçoit des hommes et des approvisionnemens. Son armée, maintenue au chiffre de 45 000 hommes, tient en échec 150 000 ennemis et leur fait perdre 50 000 hommes. On était en automne.

Du côté de l’Asie, la fortune était également hésitante. Loris Melikoff, avec une belle armée, avait pris l’offensive contre Mouktar pacha. Celui-ci était un homme de guerre avisé et expérimenté, sachant attendre et manœuvrer. Les Russes avaient pour objectif Erzeroum, que couvrait une ville fortifiée de premier ordre, Kars. Le sort de Kars décidera de la campagne en Turquie d’Asie. Les Russes divisent leurs forces en quatre colonnes d’invasion, séparées par des montagnes infranchissables. En même temps, ils assiègent Batoum, protégé par les cuirassés turcs. Ils avancent d’abord sans obstacle, enlèvent Bayazid, Ardakan, investissent Kars. Mais Mouktar s’est retiré dans une bonne position en avant d’Erzeroum ; il y reçoit des renforts, prend, à son tour, l’offensive et repousse successivement les différens corps russes. Kars est débloqué, le 10 juillet, au moment même où Krudener échoue, pour la première fois, à Plewna.

Il y eut, en Europe, une surprise et une agitation indicibles, quand ces nouvelles arrivèrent. C’était tout le contraire de ce que l’on avait prévu. Au mois d’août, la Russie passait pour battue. Les gens compétens et, au premier rang, le maréchal de Moltke, déclarent que les Russes ne viendront pas à bout des Turcs en une seule campagne, que la guerre durera au moins deux ans, à supposer que les ressources en hommes et en argent ne fassent pas défaut. A Londres, on considère la puissance russe comme annihilée. Lord Beaconsfield entend dicter la paix et il laisse comprendre que, bientôt, les modérés, comme lord Derby, n’auront plus qu’à quitter le ministère. A Pesth, on illumine