Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/266

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur la nouvelle des victoires turques. Le prince de Bismarck sort de sa retraite et rencontre, à Salzbourg, le comte Andrassy. L’empereur Alexandre a quitté l’armée du Danube et se rend aux manœuvres autrichiennes où il voit l’empereur François-Joseph.

Obtint-il quelque sécurité de ce côté ? Quoi qu’il en soit, un fait important se produisit. La Roumanie se décide à prendre part aux hostilités (24 août). La proclamation du prince, datée du 27 août-11 septembre, déclarait l’indépendance absolue de la Roumanie. On ne dit pas que la Roumanie se soit, plus qu’au début de la guerre, assuré le fruit commun de la victoire[1].

Le prince Charles fut investi du commandement général des troupes alliées devant Plewna. L’armée roumaine comptait 50 000 hommes et 180 canons.

En même temps, des renforts arrivaient aux Russes. On résolut de tenter un nouvel assaut avec le concours des Roumains, le 14 septembre : il fut encore repoussé. On dut renoncer aux attaques de vive force. Le vieux général Totleben, le héros de Sébastopol, fut mandé : il eut pleine liberté d’action. On mit à sa disposition la garde impériale. Il entoura Plewna de tranchées ; il fit occuper les routes de Widin et de Sofia, par où Osman était ravitaillé et, bloquant étroitement la place, sans consentir à sacrifier un homme, il attendit. Un hiver déjà rigoureux éprouvait les alliés. Ils souffrirent tout ce qu’avaient enduré les armées assiégeant Sébastopol, tout ce que Vsevolode Garchine a raconté[2], Osman, à bout de vivres et de munitions, essaya de rompre le cercle de fer qui l’entourait. Refoulé sur la place, blessé, il se rendit avec 40 000 hommes (10 décembre 1877).

  1. En mai, Gortschakoff déclarait encore, par une note officielle au gouvernement roumain, « que la Russie n’avait pas besoin du concours de l’armée roumaine, que celle-ci ferait la guerre, si elle croyait devoir s’y mêler, à ses risques et périls. » Il ne semble pas qu’il y ait rien eu de plus précis qu’une conversation entre le prince Charles et Gortschakoff à Ploïesti, au début de juin : « Le chancelier reconnut que la Roumanie avait besoin des bouches du Danube pour son développement économique et politique ; mais il réclama, pour la Russie, le bras de Kilia (en Bessarabie) que le traité de 1856 avait cédé aux Principautés. Le prince répondit que le moment n’était pas venu d’agiter ces questions : c’était seulement après une campagne glorieuse qu’il pourrait être question de l’élargissement des frontières... » (Witte, p. 299). A partir du mois d’août, les Russes sollicitèrent, au contraire, l’intervention immédiate de la Roumanie. Les ministres roumains étaient d’avis d’ajourner encore ; c’est le prince qui, appuyé fortement par Bratiano, trancha et prit sur lui la responsabilité de l’entrée en campagne (p. 312).
  2. La Guerre, préface de Guy de Maupassant (1889).