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et habiles. » Tout au plus, les eût-on trouvées superflues. Le ministre français avait-il intérêt à parler de l’« Occident, » puisque, de son propre aveu, personne ne songeait à s’en occuper pour le moment ? Quant au soin d’« ‘carter la question d’Egypte, c’était peut-être s’enlever, à soi-même, un moyen de consolider, en échange de la participation française, certaines positions avantageuses et uniquement défensives dans l’Empire ottoman.

En fait, plusieurs des sujets « réservés » furent abordés à Berlin, soit autour de la table officielle du Congrès, soit dans la coulisse : Lieux-Saints, Egypte même et Tunisie.

La France fit un pas de plus. La tendance de sa politique ressort de cette phrase prononcée par M. Waddington, dans la séance du 7 juin, à la Chambre des députés : « La France ira au Congrès... En y allant, elle se souviendra aussi qu’il y a d’autres chrétiens que les Bulgares dans la péninsule des Balkans... qu’il y a d’autres races qui méritent au même degré l’intérêt de l’Europe. » Par ces mots, elle revendiquait les traditions les plus respectables de sa politique orientale, mais aussi elle prenait parti jusqu’à un certain point, et sortait, si peu que ce fût, de l’attitude impartiale qui lui eût assuré une si grande autorité sur la haute assemblée.

En somme, les puissances devant régler à Berlin une question générale d’équilibre européen, la France entrait au Congrès, forte de ses droits, de ses intentions pacifiques, de sa puissance militaire restaurée. Sa position, entre les deux partis qui se partageaient l’Europe, était éminente, et elle pouvait être décisive.


GABRIEL HANOTAUX.