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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/34

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etc. Je me suis aidé quinze ans de tous ces aideurs de nature, et jetais toujours mourant. En disant l’aider, ils la détruisaient. Depuis que je lui ai remis le soin d’elle-même, elle a repris courage ; j’ai repris des forces, et je me trouve infiniment mieux. Nous avons fait souvent depuis quatorze ans de grandes maladies tant ma femme que moi : nous n’avons rien fait que prendre patience, et nous sommes guéris très promptement... Une fois nous mourrons sans doute : croyez-vous, cousine, que les aideurs de nature empêchent de mourir ? Tout ce qu’on gagne avec eux, même en guérissant, c’est de faire des maladies de six mois qui sans eux sont de six jours. Vous avez dans votre famille le sage Roguin qui n’aide point la nature, et qui s’en trouve, ce me semble, assez bien. Vous m’alléguez la germandrée : en cela vous avez raison. C’est une inconséquence, mais sans conséquence. Quand on veut savoir guérir, il faut commencer par savoir être malade. Faute de cet art, on a quelquefois besoin d’aide qui drogue l’esprit sans faire ni bien ni mal au corps. Voilà à quoi peut servir quelquefois la germandrée ou autre bénigne herbe qui fait bien parce qu’elle ne fait rien. Ma femme approche d’un temps critique, où les incommodités sont plus fréquentes qu’en d’autres temps. Je lui ai conseillé la continuation d’un exercice modéré, parce que j’ai remarqué que les paysannes qui en font ne sont presque point malades à ce passage, et que les femmes de ville qui n’en font point le sont quelquefois beaucoup. Si c’est là ce que vous appelez aider la nature, je suis d’accord avec vous : mais à cela près, je croirai toujours, ne vous en déplaise, que l’homme ignorant et présomptueux qui se mêle d’agir contrarie très souvent la nature, et que l’homme sensé qui s’en rapporte à elle seule ne la contrarie jamais.

Je suis peiné de ce que vous me marquez au sujet de l’état où est arrivée l’épinette. Ou vous m’avez interprété trop sévèrement, ou je me suis bien mal exprimé. Elle est arrivée non pas en fort bon état, parce que cela n’était pas possible, mais en assez bon état, et aussi bon qu’il était possible après un pareil transport. Si vous avez grondé le pauvre homme qui l’a portée, je vous prie instamment de le faire revenir, de lui dire que je suis un sot, que je me suis plaint à tort, que réellement j’ai eu lieu d’être content de l’état où l’épinette est arrivée, et de lui donner pour mon compte encore vingt-quatre sols en réparation de l’injustice que je lui ai faite ; d’autant plus qu’au lieu de