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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/355

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héros de l’auteur et leurs adversaires et plaignait les victimes en admirant les bourreaux. Toutefois l’impression générale qui en ressortait était nette et puissante. « Ce qui finalement se dégage du livre, c’est la glorification de la Révolution tout entière, de la Révolution sainte et nécessaire[1]... » La bourgeoisie avait vécu jusque-là dans l’effroi des souvenirs de la Terreur : Lamartine réconciliait l’opinion de la classe moyenne avec l’idée de Révolution. Par cela même, il rendait une révolution possible. Ce livre est ainsi le principal de ses actes politiques. C’est par lui surtout qu’il est entré dans les destinées de son pays, et qu’il a une responsabilité devant l’histoire.

Un banquet s’imposait. La ville de Mâcon fut à la hauteur de la circonstance. Mme de Lamartine était alors à Vichy : jour par jour, Lamartine la tient au courant. On craignit un instant que le banquet ne fût peu nombreux ; mais il tourna vite à la grande manifestation. « Le banquet s’enthousiasme de partout. J’ai fait changer la place publique qui ne me plaisait pas, ce sera dans une magnifique enceinte vers la prairie de Lyon avec des tribunes pour deux mille femmes. Il y aura deux mille convives à peu près. Cela chauffe... (10 juillet). » Deux jours après : « Le banquet devient colossal... Je n’ai que cette minute : le temps brûle comme le ciel. » Le 15 : « C’est aujourd’hui jeudi. Je n’ai plus que trois jours pour arriver au banquet. C’est ma seule pensée... » Il arriva enfin, le jour si fiévreusement attendu. Près de six mille personnes étaient accourues. Lamartine dans son discours avoua que la pensée des Girondins était de rallumer la flamme de 1789, et menaça la royauté de la « révolution du mépris. » Il parla dans les éclairs et le tonnerre — littéralement. La scène a été racontée maintes fois ; mais nul récit ne vaut celui qu’en transmettait, le lendemain, Lamartine lui-même à l’épouse attristée, non sans raison, et inquiète.


Lundi, Monceau[2].

Tout va bien. Il n’y a pas eu de tumulte. Ce soir on vient ici en famille souper sous les arbres, vingt ou trente. Ronchaud Ponsard, Aubel sont avec moi, Bruys, etc.

Quant au banquet, il a été à la fois sublime et déplorable.

Sublime par près de trois mille convives à table et autant de femmes et

  1. Thureau-Dangin, Histoire de la Monarchie de juillet, VII, 49.
  2. A Mme de Lamartine, maison Sevigny, place de la mairie, à Vichy.