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« Créer une foi commune, « c’est à quoi Lamartine va travailler, mais non plus à coups de discours. En dépit des applaudissemens, il se rendait compte de son peu d’action sur la Chambre. Au surplus, en changeant d’attitude, il n’avait pas changé de nature ; et on ne s’y trompait pas, du côté de ses nouveaux amis. George Sand lui écrivait : « Vous ne trouverez pas encore là ce que l’idéal de votre âme vous fait chercher parmi nous... » Et Victor Considérant : « Vous ne devez pas être sur les bancs, vous, sur aucun banc... Nous sommes bien décidés, nous, les hommes de l’avenir,... à vous savoir libre et tout entier. » Dans l’opposition comme ailleurs, Lamartine ne pouvait être qu’un isolé.

Depuis 1843, il ne prend presque plus de part aux discussions parlementaires. Il s’adresse au pays, en écrivant pour lui les Girondins. Le 19 octobre, le premier volume était terminé. « Je travaille l’histoire. J’en ai lu hier 40 pages à plusieurs connaisseurs : ils déclarent unanimement que c’est ce qu’ils connaissent de plus fort de moi et des autres. Je commence le deuxième volume[1]. » L’ouvrage était achevé au début de 1847[2]. On sait l’effet prodigieux produit par ces huit volumes paraissant coup sur coup. On n’avait pas vu, depuis les Mystères de Paris, aussi gros succès de librairie.


LE BANQUET DES GIRONDINS

Ce fut d’ailleurs tout autre chose qu’un succès de curiosité : peu de livres ont eu une action plus réelle et davantage influé sur les événemens. Poème en prose ou roman, drame ou feuilleton, cette prétendue histoire, reflétant les émotions successives de celui qui la vivait à mesure, exaltait tour à tour les

  1. A Mme de Lamartine.
  2. Emile de Girardin eût souhaité d’avoir l’ouvrage pour la Presse. D’une lettre de lui, que Lamartine avait conservée avec cette indication : A garder. — Offre des confidences. — 30 à 40 000 francs. — 1845. — Girardin. — nous détachons ce passage :
    « J’ai reçu la visite de votre éditeur Coquebert... Je lui ai proposé de lui acheter le droit de faire paraître dans la Presse, en articles Variétés, l’Histoire des Girondins, droit qu’il m’a déclaré posséder ; mais nous n’avons pu nous mettre d’accord. Toutefois il m’a dit qu’il ne vous avait acheté que l’Histoire des Girondins. Quand vous voudrez vendre à la Presse votre volume Confidences 30 000 francs, vous n’aurez qu’à lui envoyer le manuscrit et qu’à faire traite sur elle : la traite sera payée à présentation... (14 sept. 1845.) » (Collection de Noirmont).