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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/37

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qu’il y a pour la messagerie l’embarras de faire retenir nos places à Grenoble et de descendre avec notre bagage à Bourgoin pour nous trouver au passage du carrosse. A l’égard des fariniers, outre que ce serait un autre embarras de descendre d’ici nos malles l’une après l’autre, je veux éviter autant qu’il se peut aux honnêtes gens de cette ville d’avoir rien à démêler avec un coquin tel que moi. Je comprends qu’il en coûtera davantage ; mais passe pour cela. Je n’ai jamais mis le prix de l’argent dans les plaisirs qu’il procure et que ne connais pas, mais bien dans la peine qu’il épargne et qui me coûte chaque jour plus. Je pense qu’il conviendra d’envoyer le charriot quelques jours à l’avance pour avoir moins d’embarras à la fois ; et pour savoir exactement à quoi m’en tenir, vous voudrez bien me marquer si je puis garder une malle ou deux pour les charger derrière la chaise ou s’il faut tout envoyer par le charriot.

Vous ne doutez pas, je l’espère, du plaisir que je sens à me rapprocher de vous et de la maman : mais c’est sans doute par plaisanterie que vous me proposez en cette saison la récréation de Fourvière en sortant de Monquin. Bien obligé, belle cousine, de la bonne hospitalité, mais je n’en abuserai pas.

Je sens ce qu’il y a d’obligeant et d’honnête dans le retard d’envoyer chercher l’épinette. J’accepte ce retard, qui ne préjudicie à rien. Je vous écrirai quand il sera temps de l’envoyer chercher, et cela signifiera que je suis prêt, ou à peu près, pour l’envoi de la charrette. Malheureusement, nos tracas quoique petits nous effarouchent, vu que nous sommes tous deux assez hypothéqués. Ma femme a surtout un rhumatisme à l’épaule et au bras droit qui la fait extrêmement souffrir ; j’ai, aussi mes misères, et tout cela ne rend pas alerte pour agir. Il faut prendre patience et faire comme on pourra.

Permettez-moi quelques douceurs en retour des vôtres. Voilà trois pots de confiture de Montpellier dont vous voudrez bien donner le choix à la bonne maman. A l’égard de l’impair, s’il vous embarrasse, nous le mangerons ensemble chez elle ou chez vous.

Voilà les misérables restes d’un jambon de la façon de notre ménagère, que les souris trouvaient assez bon. Je souhaite que, sur le peu qu’elles ont laissé, leur goût soit confirmé par les vôtres. Voilà aussi le panier aux confitures et au vin d’Espagne, qu’elle a imaginé de lester avec des pommes afin que le vent ne l’emportât pas.