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Je ne cherche à la trouver dans personne, mais je n’appellerai jamais mes amis ceux en qui je ne la trouverai pas. Encore une fois, je ne désire et n’attends plus aucune assistance humaine. Je crois même n’en avoir pas besoin : mon innocence et ma vertu me suffisent, avec les soins tardifs, mais sûrs de la Providence ; donc je ne désespérerai jamais. On a toujours beau jeu pour savoir ce que je pense, car tandis que tous les cœurs s’enveloppent à mes yeux de ténèbres, le mien, transparent comme le cristal, ne saurait où cacher aucun de ses sentimens. Vous venez, cousine, d’en avoir la preuve. J’irai plus loin. Je ne doute point que vous ne soyez l’une et l’autre dupes de gens aussi rusés que méchans, qui, pour comble de scélératesse, savent couvrir leur haine infernale du vernis de la générosité. Je doute encore moins que vous ne versiez un jour sur votre erreur des larmes amères. Quand je verrai donc que vous me trompez, j’en conclurai qu’on vous trompe ; je gémirai sur moi, je vous plaindrai, et ne vous en aimerai pas moins.

Voilà mes sentimens pour le reste de ma vie, à moins que, par une révolution difficile à prévoir, votre cœur ne vienne enfin à s’ouvrir au mien ; alors nous retrouverons avec un plaisir égal, moi mon amie, vous votre ami, dont vous vous honorerez un jour. Je vous salue, chère cousine, avec la plus tendre affection.

Ma femme vous embrasse de tout son cœur. Nous sommes en peine l’un et l’autre de cette vilaine coqueluche, et encore plus de l’inquiétude qu’elle va vous donner. La lettre du papa n’exige point de réponse pressée, je pourrai la faire auprès de vous. Dans quinze jours au plus tard, si le temps se remet, vous pourrez envoyer chercher l’épinette.


A Madame de Lessert, née Roguin (sic), à Lyon.


Monquin, 17 — 70

Voici, chère cousine, l’épinette, qui n’est pas, à la vérité, aussi bien emplumée qu’elle est venue, mais à cela près en aussi bon état. Je ne vous renvoie pas les plumes de corbeaux, non que je les à le employées, mais parce qu’il a plu aux rats de les manger.

J’accepte, et avec le plus vrai plaisir, vos bons soins pour la chambre à votre voisinage, supposant qu’elle est commode, surtout un peu gaie, et qu’il y a deux lits, car cela est d’absolue nécessité.