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citoyens, s’arrangent pour en avoir le moins possible, et l’on serait surpris de la faible somme que leurs affaires contentieuses procurent annuellement à leurs défenseurs attitrés.

La statistique judiciaire n’est pas moins probante : dans la première moitié du XIXe siècle, le nombre des affaires portées chaque année devant la justice de paix était double de ce qu’il est depuis dix ans, — 600 000 au lieu de 320 000. — S’il avait baissé de moitié depuis 1850 jusqu’à la loi récente étendant la compétence des magistrats cantonaux, c’est que les litiges échappaient en partie à leur juridiction, par suite de la hausse des prix, pour aller devant les tribunaux de première instance. Cependant, ni ces tribunaux, ni les cours d’appel, — que cette même hausse des prix aurait dû doter d’un surcroît de besogne, — ne virent augmenter sensiblement leurs affaires. Le total des appels passa de 10 500 à 12 200 ; celui des instances introduites devant les tribunaux civils passa de 307 000 à 321 000 ; accroissement égal ou même inférieur à celui de la population française pendant la même période.

On doit en conclure que les tribunaux n’auraient certainement pas conservé leurs plaideurs de 1850, s’ils n’avaient vu venir à eux une bonne partie de ces 280 000 procès qui, inférieurs à 100 et 200 francs en 1840-1850 et supérieurs à ces sommes en 1895-1905, par le mouvement ascensionnel des prix, étaient du ressort des juges de paix et vont maintenant tout droit aux juges d’arrondissement.

Seulement, ces petites causes se passent du ministère de l’avocat et, dans notre bourgeoisie débonnaire, le goût du papier timbré s’en va, l’âpreté procédurière de nos aïeux s’atténue et se perd. Depuis vingt-cinq ans, l’effectif des avoués a diminué de 12 pour 100 et celui des huissiers de 17 pour 100. Les 4 900 huissiers restant ont bien de la peine à vivre, tandis que 25 000 trouvaient moyen de subsister sous Louis XIV.


Vte G. d’AVENEL.