Je ne m’excuserai pas, auprès de l’auteur de tant de travaux remarquables sur l’histoire et la technique musicales, de laisser dans l’ombre un de ses ouvrages les plus populaires : l’Orchestre et l’Instrumentation, « vade mecum » de tous les contemporains ; mais je me permettrai de lui adresser une légère critique, non pas sur le fond ou la forme, mais simplement sur le titre de son dernier ouvrage. Depuis Rameau qui, le premier, tenta de donner une base scientifique à l’Harmonie, nous avons eu quantité de Traités théoriques et pratiques à l’usage des élèves, grammaires plutôt que traités, nomenclatures d’accords plutôt qu’études d’ensemble. Fétis seul, vers le milieu du siècle dernier, s’était efforcé de développer une théorie et de professer une doctrine. Non moins didactique que ses devanciers, mais d’une conception bien plus haute et plus vaste, le livre de Gevaert aurait tous les droits à une moins simple étiquette. C’est le livre, non seulement d’un maître-musicien, mais d’un philosophe ayant longuement conversé avec Aristote et Platon.
Il devrait s’appeler : Esthétique de l’Harmonie ou Synthèse de l’Harmonie. En tout cas, cette réserve faite, réserve de bien mince importance d’ailleurs, nous n’avons qu’à admirer, dans l’œuvre nouvelle, l’un des plus beaux monumens peut-être qu’on ait élevés à la gloire de notre art.
CH.-M. WIDOR.