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surtout beaucoup mieux dans les œuvres que par les livres. Un plan de symphonie se dessine à la craie sur un tableau noir, comme une conception d’architecte avec ses masses de droite et de gauche et son développement central. Entre architecture et musique, que de rapports ! Sans souci de copier la nature, toutes deux obéissent aux mêmes lois du nombre et vivent des mêmes symétries apparentes ou cachées ; et, curieux rapprochement, elles ont la même histoire. Nous venons de le voir : notre art a passé par l’Homophonie antique et la Polyphonie vocale du moyen âge pour en arriver à la Symphonie moderne, trois étapes : trois étapes également pour l’architecture, rectiligne, à plein cintre, ogivale.

« Dans leurs temples de pierres, les Grecs imitaient les primitives constructions en bois ; c’était là le principe fondamental de leur architecture. On reconnaît nettement cette imitation dans la structure et la disposition des ornemens, la position verticale des colonnes et celle horizontale de l’entablement ; les dimensions de leurs édifices limitées par la longueur des poutres et des blocs de pierre suffisaient aux exigences de leur culte dont les actes principaux s’accomplissaient en plein air. Les Etrusques, au contraire, découvrirent le principe de la Voûte formée de pierres taillées en forme de coins, ce qui leur permit de couvrir des édifices beaucoup plus vastes que ne pouvaient le faire les Grecs. Comme la pression la plus forte (celle qu’il est le plus difficile de maintenir) est exercée par les pierres des portions presque horizontales du sommet d’une voûte, comme les édifices religieux du moyen âge prenaient des proportions toujours plus considérables, on imagina de supprimer la partie horizontale du sommet de la voûte et d’en prolonger les sections latérales : telle est l’origine de l’ogive. » (Helmholtz.)

Quand la colonne d’air enfermée dans Notre-Dame se met à vibrer sous l’effort de cinq ou six cents voix chantant à pleins poumons, il n’y a plus deux arts distincts, mais une seule et unique expression du génie de l’homme : architecture et musique se confondent et la nef véritable se transforme en un colossal Tuba dans lequel moutonne le flot sonore. Et alors nul plus que ce gigantesque instrument ne semble digne d’entonner les mélopées, dont Gevaert nous a conté l’histoire, ces Te Deum, ces Lauda Sion, immortelles actions de grâces improvisées après la victoire, il y a plus de deux mille ans.