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speeches dans ma vie, deux cents ont changé mon opinion, aucun n’a modifié mon vote. » Oui, cet homme discipliné marchait fidèlement avec son parti, avec le ministre qui représentait ses idées ; mais les partis et les ministères évoluent devant les électeurs qui, à leur tour, subissent l’empire des événemens, des préjugés, des passions et de l’expérience.

Je voudrais qu’on apprît, qu’on expliquât à tous les citoyens cette pensée d’Herbert Spencer : « La fonction du libéralisme dans le passé a été de mettre une limite au pouvoir des rois. La fonction du vrai libéralisme dans l’avenir sera de limiter le pouvoir des Parlemens.» Rien ne pourrait être plus utile à la République et à nos mœurs politiques. Mais je voudrais aussi que les adversaires des Parlemens eussent présente à l’esprit cette pensée de Cavour : « La plus mauvaise des Chambres vaut encore mieux que la meilleure des antichambres. »

Donc M. Brousse a démontré longuement, fortement, que la justice et la régie, trop souvent clémentes et libérales envers les gros fraudeurs, se montrèrent sans pitié pour les petits. Des hommes compétens en donnent cette piquante explication : le Trésor considère le grand fraudeur professionnel comme un abonné lucratif qui, sous forme de transaction, lui apporte de copieuses redevances, il est donc intéressé à ce que les grosses fraudes se multiplient. La régie ne perçoit-elle pas 1 fr. 50 de droit de circulation sur le vin, plus 3 fr. 75 de droit sur les 17 kilogrammes de sucre nécessaires pour fabriquer un hectolitre, soit 52 millions 1/2 sur 10 millions d’hectolitres de vins de sucre ? Aussi propose-t-on d’enlever à la régie le droit de transaction, et de le confier aux tribunaux seuls, bien que les parquets aient parfois agi avec une mollesse suspecte. Il est pénible de constater qu’en trois ans, on n’arrive pas à juger en première instance certaines affaires de grosses fraudes, tandis que le petit délinquant, un colporteur d’allumettes de contrebande ou d’une bouteille d’alcool, est jugé dans la huitaine et durement condamné. Résultat : les assassins de la viticulture, admirablement renseignés, vont se promener à l’étranger, ont le temps de détruire les pièces compromettantes, de se soustraire au paiement des amendes. Cependant MM. Guyot-Dessaigne et Caillaux ont très loyalement adressé des ordres pour qu’on les poursuivît avec la dernière rigueur, et de sérieux résultats ont été obtenus ; félicitons aussi M. Chéron qui mène une campagne