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énergique contre les coquins qui fournissent à nos soldats des alimens malsains et frelatés ; M. Ruau qui sert avec un zèle intelligent les intérêts agricoles[1].Mais une longue tolérance a rendu méfians bien des gens qui maintenant veulent aussi voir et toucher du doigt, avant de croire aux justes réformes, à l’extirpation des abus révolutionnaires.

Le pouvoir exécutif, qui nomme les magistrats, a de tout temps considéré comme des actes d’insubordination les décisions de justice qui ne sont pas conformes à ses vues. Aux yeux du public, l’autorité morale des magistrats est en raison directe de leur indépendance ; certains arrêts l’ont rendue suspecte, et plus que jamais les sceptiques divisent la magistrature en trois classes : la magistrature debout, la magistrature assise, la magistrature couchée. Aux utopistes qui réclament son élection et la suppression de l’inamovibilité, on peut répondre que ce serait le moyen d’obtenir une magistrature à genoux, et de renverser toutes les garanties des citoyens ; d’ailleurs, nos magistrats ont fait beaucoup d’excellente besogne. Souvent aussi la législation présente des lacunes ; il y a tantôt quatre ans, le tribunal correctionnel de Villefranche-sur-Rhône condamne de gros fraudeurs à plusieurs centaines de mille francs d’amende pour usage d’acquits fictifs ; mais la Cour de Lyon les acquitte, se fondant sur ce que le délai de prescription était expiré, délai beaucoup trop bref et qui permet aux coupables de passer à travers les mailles de la loi. On découvrit une vieille ordonnance de Louis XVIII, du 21 juin 1816 ; le législateur de 1899 montra beaucoup de naïveté en ne l’abrogeant pas formellement.

Cette question de la fraude, qui a déchaîné une sorte de révolution dans le Midi, et se soulève, hélas ! pour tous les produits, est trop grave pour qu’on n’insiste pas. Un des orateurs qui l’ont dénoncée avec le plus de modération, M. du Périer de Larsan a démontré justement qu’il fallait faire la lumière, toute la lumière, d’abord parce que cette lumière gêne les fraudeurs (les voleurs craignent les réverbères) et contrecarre leurs pratiques, puis, parce que les honnêtes gens, les viticulteurs, les consommateurs ont besoin d’une protection efficace, et qu’il ne

  1. Une statistique judiciaire nous fait connaître que, depuis la loi de 1905 sur les fraudes, 4 203 poursuites ont été engagées ; 3 640 ont abouti à des condamnations. Le ressort de Paris accuse, à lui seul, 1 740 procédures, celui de Montpellier, 637.