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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/444

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à celle-ci de 6 ou 7 millions, l’écart étant comblé par les vins faits en fraude, les vins de sucre et l’excédent de l’importation ; ensuite, que la consommation, si elle diminue dans la classe riche, ne cesse d’augmenter pour l’ensemble de la nation. Il y a une production engorgée, encombrée, mais la surproduction n’est qu’un épouvantail, un vain fantôme ; et les viticulteurs doivent se convaincre qu’il n’est d’autre grand marché de consommation des vins communs que la France elle-même.

Avant la récolte pléthorique de 1900, l’acheteur payait couramment un litre de vin 40 à 50 centimes ; là-dessus arrivent cette récolte, le dégrèvement des boissons. Conséquences : une perturbation extrême dans les transactions, les propriétaires ou pseudo-propriétaires affluant vers les centres de consommation pour écouler directement leurs vins, même à vil prix ; l’obsession du bon marché, la concurrence éperdue qu’elle suscite, le commerce débordé par la transformation qui s’opérait depuis vingt-cinq ans et par les nouveaux événemens, ses usages, ses traditions, ses besoins violemment modifiés. Brochant sur le tout, la loi sur le sucrage, la loi de 1903, aussi funeste au commerce qu’à la propriété, une dépréciation effrayante des vignobles, la vie plus dure aux ouvriers et aux producteurs. N’oublions pas cette cause de mévente : la population française devenue stationnaire. Tel immeuble acheté un million il y a dix ans se vend péniblement 150 000 francs ; un autre estimé 270 000 francs a été adjugé au Crédit Foncier pour 25 000 francs. Quelle terrible antithèse ! La misère du vigneron croît en même temps que la consommation du vin augmente. La fraude seule explique cette douloureuse énigme.

Voilà le mal ; il est grand, il est intense. Peut-on y porter remède, et quels seraient les remèdes possibles, topiques, efficaces ? Les habitans du Languedoc ont eu une conception originale. Puisque les gens de Paris, ministres, députés, sénateurs, restent sourds à nos doléances, se sont-ils dit, nous allons secouer leur torpeur, et nous ferons du tapage jusqu’à ce qu’ils nous entendent et nous viennent en aide. Et l’on sait comment ils sont allés jusqu’aux dernières limites de la légalité, plus loin même, les meetings monstres se succédant tous les dimanches pendant des mois, les meneurs se gardant bien de dire ce qu’ils voulaient, de peur que les menés ne se divisassent aussitôt sur la question des voies et moyens, et puis aussi parce qu’ils exigeaient