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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/457

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Jamais l’antique source, à travers le fouillis
Des broussailles, n’avait, d’un plus vif gazouillis,
Révélé sa fraîcheur à l’errante chevrette ;
Jamais non plus, avec le merle et la fauvette,
Et les bourdons ronflans et les ramiers plaintifs,
Les écureuils rongeurs, les lapereaux furtifs,
Pareil concert de bruits vivans, de gais murmures
N’avaient accompagné, sous des lueurs si pures.
L’hymne majestueux, le mâle accord des voix,
Par qui descend en nous l’âme heureuse des bois,
Et c’est presque à genoux, comme on tombe à l’église.
Que j’écoutai leur chant modulé par la brise :



« Vieil enfant, pauvre enfant qui craignais nos courroux,
Pensais-tu donc qu’en vain puissans, calmes et doux,
Les arbres, dont les pieds sondent au loin la terre,
Elèvent jusqu’au ciel leur penser solitaire,
Loin du bruit des mots creux, sonores et trompeurs
Dont vous exaspérez vos désirs et vos peurs.
Et qu’en vain dans l’air pur, au mépris des années,
Dans leurs têtes en fleurs ou leurs têtes fanées,
Ils reçoivent l’écho de vos cris fatigans
Apportés par le vol brutal des ouragans ?
Ils n’ont que trop loisir, en leurs longévités,
De plaindre le néant de vos sorts écourtés !
Bien d’autres, avant toi, piétinèrent ces herbes
En courant vers le monde, innocens et superbes,
Comme d’autres, après, joyeux, les fouleront,
Pour revenir un jour, en s’essuyant le front,
S’y plaindre de la vie ou s’y plaindre d’eux-mêmes.
Tout prêts à se coucher aux plis des linceuls blêmes
En des cercueils bien vite oubliés et pourris.
Jamais sur aucun d’eux, même les plus flétris
Par leurs vices autant que par d’injustes peines,
Nous n’avons déployé que les fraîcheurs sereines
De l’accueil amical et des tendres pardons.
Chez nous, aussi, l’on souffre ! Et quand nous entendons
Vos tardifs désespoirs nous raconter vos chutes.
C’est meurtris dès longtemps par l’effort et les luttes