Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/468

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gens du peuple, en particulier, leur dévotion, leur propreté et le goût naturel d’ornementation artistique qu’ils laissent voir dans tout ce qui les entoure, tout cela nous est signalé et longuement « illustré, » avec une foule d’exemples caractéristiques. Mais il est temps que j’arrive au tableau de la France, et, sans pouvoir même m’arrêter un instant aux curieuses indications que nous fournit Beatis sur toute sorte d’œuvres d’art flamandes ou hollandaises, — comme le grand retable des Van Eyck, à Gand, qu’il proclame « la plus belle peinture qui soit au monde, » — non plus qu’aux remarquables portraits qu’il nous fait de maints personnages fameux, à commencer par le roi Charles-Quint. Voici donc de quelle façon le chanoine italien, avant de quitter Antibes pour rentrer dans ce qu’il appelle, avec un orgueil ingénu, en marge de son récit, Italia bella, nous résume les impressions qu’il rapporte de plusieurs mois de séjour dans notre pays :


Je débuterai, si l’on veut bien, par la manière de loger. Or il est sûr que, en général, dans lesdites provinces françaises, le logement est fort bon, surtout en comparaison de l’Allemagne : car chaque chambre ne contient que deux lits, dont un pour le maître et l’autre pour le valet, tous les deux de plumes, et dans des chambres bien chauffées. Nulle part, non plus, on ne fait mieux les soupes, les pâtés, et gâteaux de toute espèce. On y mange, à l’ordinaire, de bonne viande de bœuf et de veau ; mais meilleure encore y est la viande de mouton, à tel point que, pour une épaule de mouton rôtie avec de petits oignons, comme on la prépare dans toutes les régions de la France, vous renonceriez volontiers à la chère la plus délicate. Poules et chapons, lapins, faisans, perdrix, tout cela se trouve en abondance, à très bon marché, et très bien accommodé ; et nulle autre part je n’ai rencontré d’aussi gras et excellent gibier, la coutume étant, dans ce pays, de ne faire la chasse aux animaux sauvages que durant la saison qui convient pour chacun d’eux.

De toutes lesdites provinces, cependant, la meilleure pour le logement, et la plus civile pour la conversation des gentilshommes, est la France propre... Les femmes françaises se livrent à toute sorte de travaux, et c’est elles, surtout, qui s’occupent de vendre, dans la plupart des boutiques. Elles sont, en général, assez belles, mais pas autant qu’en Flandre ; avec cela aimables, polies, et l’usage est de les baiser sur les joues, par honneur et courtoisie. Dans maintes provinces, les femmes apprennent à raser les barbes, ce qu’elles font le mieux du monde, avec une adresse et une légèreté remarquables. Elles aiment passionnément les banquets et les fêtes ; et toutes les dames et demoiselles nobles du pays dansent avec infiniment de grâce et d’esprit...

Les hommes sont, habituellement, de petite taille et de peu de prestance, à l’exception des gentilshommes, dont beaucoup ont très bonne figure. Ces derniers s’occupent, en grande partie, à porter les armes, tandis que d’autres, au lieu de servir dans l’armée, vivent auprès du roi, de qui ils