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haine de l’étranger, la plus élémentaire prudence conseille de nous assurer de leurs dispositions. Quelles sont-elles ? Nous aurons à le demander à Moulaï Hafid avant de le reconnaître. Nos exigences sont très simples : elles se bornent à obtenir de lui l’assurance qu’il respectera tous les traités, conventions et arrangemens contractés par ses prédécesseurs, et non seulement l’Acte d’Algésiras, qui est le dernier de ces traités et le plus solennel, mais tous sans exception. Cette promesse une fois faite, cet engagement une fois pris par le nouveau sultan, chaque puissance veillera, en ce qui la concerne, à ce qu’ils soient tenus.

Il semble que. sur ce point, il ne puisse y avoir aucune difficulté ; on ne voit même pas comment un désaccord pourrait se produire entre les puissances ; s’il se produisait, tout l’édifice du droit des gens en serait ébranlé. Mais nous le savons bien, — et, si nous ne l’avions pas su, la lecture des journaux allemands nous l’aurait suffisamment appris depuis quelques jours, — il y a un autre point particulier à la France, sur lequel on cherchera peut-être à équivoquer : nous voulons parler de l’indemnité qui nous est due pour l’expédition de la Chaouïa. Cette question ne peut pas se régler en vertu d’un traité. Sans doute l’Acte d’Algésiras a chargé l’Espagne et nous d’organiser la police à Casablanca, et ce sera finalement une œuvre de police que nous y aurons faite et que nous y laisserons ; mais dire que nous n’y avons pas fait autre chose serait abuser des mots et les détourner de leur sens restreint et précis. Nous avons été entraînés peu à peu à faire dans la Chaouïa une campagne, dont l’objet initial était de venger des Français et des Italiens odieusement massacrés, et dont le résultat final a été d’avoir assuré l’ordre et la sécurité dans une grande province marocaine. Que toute l’Europe soit appelée à bénéficier de ce résultat, il est difficile de le contester : cependant les journaux allemands le contestent, ou du moins ils ne veulent voir que les souffrances qu’ont éprouvées, au premier moment, leurs nationaux à Casablanca. Il est dû aux commerçans allemands une indemnité pour les pertes qu’ils ont subies, soit ; mais il nous en est dû une autre pour les dépenses que nous avons faites. Le droit public ne se compose pas seulement de traités ; il se compose aussi de précédens auxquels tous les publicistes attachent la valeur d’une règle internationale. Le dernier de ces précédens, et l’un des plus connus, est celui qui s’est produit à l’occasion du bombardement d’Alexandrie et du débarquement qui l’a suivi : on devra s’en inspirer, pour le règlement de la situation