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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/506

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les Dardanelles resteraient ouverts, en temps de guerre comme en temps de paix, aux navires marchands des États neutres arrivant des ports russes ou en destination de ces ports ; elle avait interdit au Sultan d’établir un blocus fictif visant les ports de la Mer-Noire et de la mer d’Azoff. C’était la porte entrouverte. Toutefois, la Russie avait reconnu que la question des Détroits relevait des puissances européennes.

A Berlin, on fut bien embarrassé ; toutes ces surcharges successives rendaient « le droit » de plus en plus obscur ; on l’obscurcit encore. Dans la séance du 11 juillet, lord Salisbury fit la déclaration suivante :


Je déclare, de la part de l’Angleterre, que les obligations de Sa Majesté britannique concernant la clôture des Détroits se bornent à un engagement envers le Sultan de respecter à cet égard les déterminations indépendantes de Sa Majesté conformes à l’esprit des traités existans.


Cela voulait dire, apparemment, que le Sultan serait libre de faire ce qu’il voudrait et, par conséquent, d’ouvrir les Détroits à ses amis et de les fermer, le cas échéant, à ses adversaires. Mais le comte Schouwaloff répliqua aussitôt :


Que les plénipotentiaires de Russie, sans pouvoir se rendre compte exactement de la proposition britannique, demandaient de leur côté l’insertion au protocole : qu’à leur avis, le principe de la clôture des Détroits est un principe européen, et que les stipulations antérieures ne sont pas abrogées et restent obligatoires pour le Sultan ainsi que pour les autres puissances…


Aucun vote ne sanctionna l’une ou l’autre proposition, ni ne fit connaître l’avis du Congrès. Seulement, il fut admis que toutes les stipulations antérieures non abrogées étaient maintenues : conclusion qui paraissait, implicitement, favorable aux propositions russes.

Cependant, la proposition britannique n’était pas sans effet. En réclamant, pour le Sultan, toute liberté d’action, l’Angleterre combine cette revendication avec une manœuvre longtemps cachée, mais qui explique toute son attitude. Depuis le 4 juin, — mais sans qu’il en ait été fait une seule fois mention dans les discussions et les protocoles du Congrès, — l’Angleterre avait ou croyait avoir les mains garnies au point de vue de l’équilibre maritime. Elle avait contracté une alliance défensive avec le Sultan faisant, en quelque sorte, un traité d’Unkiar-Skelessi à