Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/55

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans ce pays où l’homme n’a de valeur que par son activité et son effort, où l’on ne se met en peine ni d’égards, ni de pitié pour ceux qui ne peuvent lutter, les dispositions ne sauraient être meilleures envers ceux qui ne le peuvent plus. La vieillesse est une incapacité ; elle déprécie l’homme et par avance le supprime. Qu’il cède la place quand son rôle est fini. C’est ici le royaume de la jeunesse. Tous les observateurs sont frappés du nombre et de l’importance des situations occupées par de jeunes hommes. De bonne heure, ils sont indépendans, et les parens les laissent libres de leurs initiatives et de leurs travaux. Ils vont de l’avant, et leur âge, loin de les desservir, les favorise. Car il les met en harmonie avec l’esprit et le caractère de leur pays, qui a, lui aussi, toutes les qualités, tous les défauts de la jeunesse. Suivant qu’on regarde davantage ceux-ci ou celles-là, on le critique ou on l’admire. Mais on ne peut guère s’empêcher de voir les uns et les autres, qui se manifestent avec un égal éclat.

Exaltation de la volonté, subordination de l’intelligence, amoindrissement de la sensibilité, nous trouvons là tous les caractères du type actif, dans son opposition la plus tranchée avec le type sensitif et intellectuel des vieux pays celto-latins. Les circonstances de toute sorte et les conditions de vie ont favorisé le développement de celui-là dans toute sa pureté, comme celui-ci s’est épanoui dans la France classique et romantique des trois derniers siècles. En contraste avec cette physionomie qui nous est si familière, nous allons voir se dessiner la physionomie de la société américaine.


III

Chez nous, la société se distribue et s’organise dans des cadres dessinés par les siècles ; l’ambition est donc de s’y installer et d’y jouir des avantages correspondans. Les honneurs, la sociabilité, le loisir, voilà des fins désirables : la richesse n’a de prix que dans la mesure où elle les favorise. On la considère comme attachée naturellement à un certain rang, à de certaines fonctions : soit qu’elle y conduise, soit qu’elle en vienne, elle n’est jamais qu’un accessoire de la charge ou de la dignité. Dans cette société d’origine féodale, ce serait déroger que d’acquérir. Telle était du moins la conception primitive, qui résista si longtemps au progrès des idées modernes, et dont on retrouverait