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quantité que j’en ai fait uniquement pour mon amusement depuis mon retour à Paris, est en effet un opéra commencé, mais qui, n’étant pas destiné pour le public, n’est point achevé, et ne le sera vraisemblablement jamais. C’est une pastorale en quatre actes intitulée Daphnis et Cloé. Les paroles sont d’un homme avec qui M. de Lessert a dîné ici[1].

Quoique j’aie absolument quitté la botanique, et que la peine d’écrire augmente pour moi chaque jour, j’aurai toujours le même empressement à contribuer à vos amusemens et à ceux de la charmante Madelon ; mais pour reprendre ce petit travail avec un peu de succès, il faudrait que j’eusse une idée un peu plus précise de vos goûts et de vos progrès, et que je visse de quel point je dois partir pour vous marquer la route que vous devez suivre. Les six familles dont j’ai essayé de vous décrire la fructification pour consulter votre goût et vous familiariser avec quelques termes, sont prises pour ainsi dire au hasard et n’ont pas une suite dont on puisse prendre le fil. Cet essai étant fait, il en faudrait connaître bien le succès pour commencer au point convenable la véritable étude, qui ne consiste pas seulement dans celle de la fructification, mais des plantes dans leur ensemble et dans toutes leurs parties. Deux heures de conversation quand j’aurai le bonheur de vous voir nous dispenseraient de bien de longues pancartes, et si malheureusement ce temps est encore éloigné, pour y suppléer par lettres, il ne suffit pas que vous m’entendiez, il faut aussi que je vous entende, et je ne puis suppléer à des instructions verbales que par des exemples tirés d’objets que je sois sûr vous être connus.

Rien ne pouvait me donner une plus pure joie que d’apprendre, l’entier rétablissement de ma tante Julie. J’ai vu ici avec bien du plaisir son amie Rosette, qui m’a paru vive et douce comme elle et que leur amitié m’a rendue encore plus intéressante.

Je n’écris point à la maman par la même raison qui l’empêche de m’écrire ; depuis que j’ai su que l’altitude d’écrire lui était préjudiciable, je lui demandais en grâce de ne point répondre à mes lettres, mais voyant qu’elle n’en continuait pas moins, par ménagement pour sa santé j’ai pris le parti de les supprimer pour quelque temps, durant lequel notre amitié ne

  1. Corancez (Voyez Iansen, J.-J. Rousseau, als Musiker, p. 419, 420, 482).