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comme le ministre d’un culte, les mariages de ses adhérens.

Si l’esprit national est religieux, l’esprit religieux n’est pas moins national. Intimement unie aux origines de la société, liée à son progrès par les services qu’elle lui a rendus, la religion a reçu son empreinte : elle est plus occupée à l’organisation de la vie qu’à la méditation des mystères. Une Église n’est pas seulement une réunion de fidèles : c’est le plus souvent un centre d’action sociale et de travail humain. Autour d’elle se groupent les écoles, les hôpitaux, les cercles. Elle étend sa sollicitude jusqu’aux détails de l’hygiène, du confort et de l’agrément. Rien de ce qui intéresse l’homme ne lui demeure étranger. Aussi est-elle puissante sur l’homme, plus capable que toute autre force de le transformer. Les Églises sont devenues d’incomparables instrumens d’assimilation. Pénétrées de l’esprit américain, façonnées à son image, elles prêchent toutes le respect et l’amour de la grande nation américaine. Rôle d’autant plus nécessaire, à mesure que le flot de l’immigration se faisait plus envahisseur. A l’exercer, la religion accrut son prestige. On l’aimait comme une force morale bienfaisante ; on apprit à l’aimer comme une force nationale indispensable.

Insensiblement, la collaboration à la même œuvre rapprocha et réconcilia les diverses dénominations. L’unité d’esprit, la communauté d’action firent oublier ou négliger les divergences dogmatiques, développèrent le respect mutuel, les sympathies réciproques, le sentiment de la solidarité dans un même effort contre les deux ennemis communs : le vice et l’impiété. Il appartenait au génie pratique des Américains d’organiser, si l’on ose dire, le trust des religions. On en posa les assises au fameux « Parlement » de Chicago en 1893 ; mais il avait dès longtemps manifesté son existence et ne cesse de la manifester chaque jour par les relations confraternelles, les échanges de services, les égards d’Église à Église, de prêtre à pasteur, l’entente cordiale et efficace entre tous ceux qui exercent, suivant une expression qu’ils emploient volontiers, la « profession spirituelle. »

Il semble bien que cette entente ait tourné surtout au profit du catholicisme et on ne peut contester qu’il tienne la note dominante dans cet accord. Ferdinand Brunetière ici même[1] s’émerveillait de ses progrès et se demandait, au seuil d’une mémorable

  1. Voyez la Revue du 1er novembre 1898.