Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 47.djvu/631

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son canapé pour lui sauter au cou et le baiser malgré lui sur les deux joues.

Quant au rapprochement des époux, l’assentiment du chef de l’Etat ne suffisait pas ; il fallait le consentement du mari. Or, le duc du Maine s’obstinait à se confiner à Clagny où il ne voulait pas recevoir celle dont il songeait au contraire à se débarrasser. Il lui proposait une séparation amiable, avec la compensation d’une pension pécuniaire. Mme du Maine refusa. Le Duc resta quelque temps encore à Clagny avec ses deux fils qu’on lui avait renvoyés. La réconciliation conjugale se fit seulement le 29 juillet 1720, dans une entrevue fort cérémonieuse à Vaugirard. Comme tous les caractères faibles, le prince finit par céder devant les prières de sa femme, qui ressemblaient presque à des menaces. Il rentra la tête basse à Sceaux et se tint désormais en garde contre les entreprises de la Duchesse, ne s’occupant plus que de ses travaux littéraires ou de l’administration de ses domaines. Le malheur rend philosophe. Il composa, à l’instar de La Rochefoucauld, des Maximes dont le manuscrit est encore à la Bibliothèque nationale. La Duchesse célébra le retour de son mari, dans une pièce de vers : habile façon de reprendre ses anciennes habitudes littéraires, tout en effaçant la trace d’un passé devenu pour elle un cauchemar. L’héroïne de la conspiration de Cellamare reconstitua péniblement les débris de son ancienne Cour. Bien que plus ou moins victimes de sa déconfiture politique, la plupart de ses anciens hôtes ne demandaient qu’à renouer le fil de leur joyeuse vie de Sceaux. Nicolas de Malézieux, en retrouvant sa Reine, reprit sa plume de poète et lui improvisa le quatrain suivant :


Oui, oui, j’oublie et ma captivité,
Et mes soucis, mes ans et ma colique.
Songer convient à soulas et gaieté,
Quand je revois votre face angélique.


C’était finir par une scène de comédie. Le complot n’avait été qu’un intermède ennuyeux, venant interrompre les fêtes de Sceaux. Maintenant la vallée de la Bièvre était rendue à sa gaieté coutumière. Incorrigible, la petite Duchesse n’avait retiré d’autre enseignement de sa mésaventure, qu’un peu plus de dégoût pour les côtés sérieux de la vie, un peu plus d’attrait pour le plaisir et les amusemens.