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Elle renoua en même temps, avec ses habitués, ses traditions de bel esprit, de protectrice des gens de lettres. Une certaine gêne, causée par une surveillance occulte, ne cessa toutefois de régner quelque temps encore parmi les hôtes de son palais, devenus aisément des suspects. La plus légère imprudence pouvait être de nouveau fatale au duc et à la duchesse du Maine. A une reprise de leurs projets, ils pouvaient jouer leur tête, et avec moins de chance encore de réussir que la première fois. Ils préférèrent s’abstenir désormais de toute opposition au pouvoir, de toute manifestation politique, et, en cela du moins, ils furent sages.

Malgré la police de Dubois, il s’en fallut bien que tous les coupables de la conspiration fussent punis. « Je tiens la tête et la queue du monstre, disait le Régent en plaisantant, mais je ne tiens pas le corps. » La plupart des prisonniers furent du reste relâchés au bout de quelques mois. Le Régent leur avait fait grâce, en faveur de leurs aveux.

La découverte du complot et le coup frappé sur le duc et la duchesse du Maine achevèrent d’éparpiller ce que Saint-Simon appelle dédaigneusement « la prétendue noblesse. » Beaucoup d’arrestations eurent lieu dans les provinces. De toutes, c’est la Bretagne qui fut la plus châtiée. A la suite de la conspiration de Poncalec, conséquence de celle de Cellamare, un certain nombre de gentilshommes bretons, que le comte de Laval avait intéressés au triomphe problématique de la duchesse du Maine, furent condamnés à mort, le 26 mars 1720, par une chambre ardente installée à Nantes, et décapités sur la place du Bouffay de cette ville : « grande leçon, écrit Marmontel, pour les hommes privés qui ont la faiblesse et la folie de se mêler des querelles des grands ! »

Personne n’éleva la voix pour prendre le parti des victimes que le caprice ou l’ambition des princes avait fait immoler en Bretagne. C’est que cent lieues séparaient Sceaux de Nantes, et puis l’égoïsme était devenu si général ! Des grands, il descendait jusque dans le peuple. L’idée de la confraternité humaine était loin de s’être emparée des esprits. Ce qui les passionnait alors, c’étaient le système de Law et les jouissances matérielles. Pendant l’automne de 1720, on publia les qualités des vins de la Cour. Voyant plaquée sur les murs de la capitale cette affiche engageante : « Le vin du duc du Maine est de bonne garde, » les