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dalles glissantes. Sur celui du troisième étage, s’ouvre la grande rue contournant le rocher.

C’est par cette voie suspendue que défilent les processions quand les Brahmes transportent, aux jours de fète, les images de Parvati, de Civa, de Ganésa et de Soubramanié jusqu’au grand temple de l’étage supérieur. La cérémonie solennelle du mois d’août attire un immense concours de foule. En tout temps d’ailleurs, le roc est habité par une population qui niche aux flancs des escaliers, dans les réduits qui rayonnent à travers la montagne. Le bourdonnement de ces créatures, massées dans les caveaux où la lumière et l’ombre alternent par plans, rappelle le frémissement des ruches. Dans une buée bleuâtre tamisant en poudre d’or les rayons du soleil, tout bruit, vibre et murmure. La fourmilière humaine ronfle comme un essaim d’abeilles.

Et nous continuons de tourner à travers les boyaux tortueux de la montagne évidée. Traversant des salles à piliers polygonaux, franchissant des degrés que le passage de millions de pieds nus ont creusés à la longue, nous passons sous des portes surbaissées que gardent des pions, Dévarpals de granit poli, réfléchissant la lumière, colosses coiffés de tiares, armés de massues, que sculptèrent aux siècles passés les bons artistes de Tanjore. La nudité des murs sombres s’interrompt rarement par un bas-relief où les divinités pouraniques au rire éginétique s’unissent par groupes aux gestes mesurés, en tout pareilles aux figures des temples d’Elephanta que les Portugais martelèrent avec un fanatisme sauvage. Le demi-jour du milieu des galeries meurt à leur extrémité, dans la nuit profonde des logettes où étincellent des feux rouges qui tremblent, dansent et semblent, par momens, s’éloigner.

Ce sont des lampes qui brûlent devant les Pouléars. Puis, à un tournant, nous hésitons, éblouis par la lumière du jour, et nous accédons à un autre palier : sans voir grand’chose, du reste, sinon des Brahmes. Ils se font légion. Embusqués derrière les colonnes des mandapams, contre les montans des portes étroites, dans les interstices des pierres, ils foisonnent à l’instar des termites dans une charpente vermoulue. Ils nous épient, sournoisement, nous observent. Si nous tentons de pénétrer dans une salle, suivant la foule, nous les trouvons là, par hasard, et ils nous éconduisent avec une politesse empressée. Et