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qu’il s’engageait ainsi dans une guerre avec les Anglais dont les forces considérables s’acheminaient déjà vers la ville qu’ils entendaient défendre. à tout prix, Dupleix mit en route son éternel Chunda-Sahib avec toutes ses forces disponibles. Le nabab avait environ dix mille Hindous ; M. d’Auteuil commandait quatre cents Français ou soi-disant tels, un petit corps de nègres et quelques pièces d’artillerie. Cet officier n’était pas sans quelque mérite, mais il chérissait peu le gouverneur qui l’avait fait passer en jugement après la désastreuse journée de Valdaour. Et surtout, fatigué par l’âge et le climat qui s’ajoutaient à une mollesse naturelle, il ne possédait d’activité physique que ce que lui en laissaient de continuels accès de goutte. Un podagre ne peut se lancer dans ces entreprises vives et hasardeuses qui seules assurent la victoire, en ces pays où l’assaillant déterminé ne rencontre presque jamais de résistance efficace.

M. d’Auteuil, dès les premiers jours de la campagne, montra ce qu’on devait attendre de lui. Il manqua, devant Volconde, l’occasion d’écraser le contingent anglais du capitaine Gingen et lui ménagea ainsi la possibilité de gagner Trichinopoly. Ce fut un échec grave, surtout par la répercussion morale. Tandis que les Anglais secouraient la place en y apportant la confiance, M. d’Auteuil continuait de se traîner sur la route de Sriringam. Enfin il passa le Coleron, prit pied dans l’île, passa encore la Cavery, établit ses batteries sur la terre ferme, puis, sans force contre la goutte, regagna Pondichéry, laissant ses sous-ordres et Chunda-Sahib continuer les opérations.

Dupleix remplaça M. d’Auteuil par le capitaine Law, protégé par les directeurs de la Compagnie. Le neveu de l’inventeur du « système » était de ceux qui ne laissent à personne le soin de louer leur valeur. Il plut à Dupleix par cette confiance en soi-même sans laquelle on ne réussit guère à se pousser, il lui plût par son entregent. Les Anglais, de leur côté, choisissaient leurs hommes. A Law et à Auteuil ils allaient opposer le capitaine Clive et le major Lawrence.

Robert Clive ne tarda pas à donner sa mesure. N’attachant pas à la défense de Trichinopoly l’importance qu’y attribuait le Conseil de Madras, il persuada au gouverneur Saunders que l’offensive était en tout préférable. Il obtint le commandement d’une petite troupe choisie, et la portant vivement sur la ville d’Arcat, capitale de la nababie de Chunda-Sahib, il y entra sans