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coup férir, le 11 septembre 1751. Le résultat ne se fit pas attendre. Abandonnant le siège de Trichinopoly, Chunda-Sahib courut à Arcat, dans l’espoir de la reprendre. Son fils Rajah-Sahib en assiégea en vain le fort pendant cinquante jours. Puis il se retira, sous la menace d’une attaque des Mahrattes, rendant ainsi la liberté à Clive qui en profita pour détruire en détail l’incapable Law, toujours immobile devant Trichinopoly.

Et pourtant jamais la Compagnie française ne posséda, jusque-là, de si forte armée en Inde : près de 1 000 Français, 2 000 cipayes et 50 canons. 30 000 Hindous, dont 15 000 cavaliers, obéissaient à Chunda-Sahib, et du nabab la valeur personnelle ne fut jamais mise en question. Law laissa se rouiller sans usage ces outils de choix. Sourd aux instructions de Dupleix, méprisant les objurgations de Chunda-Sahib, il se refusa à donner l’assaut, alors qu’aux yeux les moins exercés le succès en apparaissait certain. Cependant les renforts ne cessaient de grossir les rangs des assiégés, car le plus grand désordre régnait dans le camp français. Les contingens du roi de Tanjore, la victime de Chunda-Sahib, s’étaient avancés des premiers. Puis ce furent les Mysoriens, partisans de Mohammed-Ali. Leurs escadrons, tourbillonnant autour des Français, sabraient les pelotons détachés, détruisaient les dragons dans des embuscades. Et les Mahrattes étaient annoncés, et aussi Clive, vainqueur d’un contingent français à Covrebank, et enfin le major Lawrence à la tête d’une armée. De toutes parts, les Indiens, abandonnant notre parti, ralliaient les drapeaux anglais. La position naguère précaire de Mohammed-Ali, l’assiégé de Trichinopoly, devenait insensiblement la meilleure. L’Inde dravidienne s’orientait vers le soleil levant, l’étoile de Dupleix pâlissait.

Et quoiqu’on le tint au courant, heure par heure, du progrès de l’orage qui grossissait derrière lui, Law se refusait à agir. Puis, tout à coup, il agit, et de telle manière, que l’inaction eût encore été préférable. Au lieu de distraire de ses lignes un gros de troupes pour livrer bataille aux Anglais qui arrivaient de Madras, il envoya un petit corps, très inférieur en nombre au secours qu’il s’agissait d’arrêter. A 1 500 hommes il en opposait à peine 700. On peut dire que l’engagement devait se passer à portée de son canon de Coilady, sur la rive du Coleron. L’affaire fut si mal menée qu’elle échoua. Le major Lawrence continua de s’acheminer vers Trichinopoly dont il n’était plus qu’à dix