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milles. Sous les yeux de Law qui le manqua encore au passage, il fit bientôt sa jonction avec le détachement que la garnison assiégée envoyait à sa rencontre. Law livra alors un combat d’artillerie où il n’eut pas l’avantage. Les Français durent se replier, avec pertes, sur le Pain de Sucre, d’où ils purent assister à l’entrée de Lawrence dans la place.

Quelques jours encore, et Law perdait à nouveau l’occasion d’infliger au capitaine Dalton une sérieuse défaite entre le Rocher français et Elmiseram. Dès lors, travaillé par une sorte de folie, il annonça que le moment était venu de se retirer dans l’île de Sriringam : toute l’armée y prendrait ses quartiers. Notre raison demeurerait confondue devant une pareille action si nous ne comprenions que le misérable commandant s’aperçut enfin de son effroyable insuffisance. Il eut peur, en un mot, peur de l’ennemi qu’il se reconnaissait incapable de combattre. La race dont le sang coulait dans ses veines ne fut point de celles que réjouit le fracas des armes. Le neveu du financier Law mit, avec une prudence puérile, l’eau entre lui et les Anglais.

Abandonnant ses positions de terre ferme, Law passa donc dans l’île de Sriringam, la pagode de Vichnou abrita son armée. L’assiégeant se constituait assiégé, dans une île où l’ennemi, du haut de sa forteresse, pouvait observer ses moindres mouvemens, le prendre en flagrant délit de manœuvres, et le tenait sous la menace perpétuelle de son canon. Les renforts que Dupleix, désespéré, expédia une dernière fois, ne retardèrent point la catastrophe. M. d’Auteuil quitta Pondichéry avec l’ordre de remplacer Law dans le commandement et de reprendre le siège. Il n’atteignit pas Trichinopoly. Clive veillait et ses espions lui apprenaient chaque jour les actions des Français.

Quand il apprit que M. d’Auteuil était en marche, il se plaça entre Sriringam et la route de Pondichéry. Et, tel fut son mépris pour Law, qu’il ne lui fit même pas l’honneur de se garder contre ses troupes. Clive s’installa à Samiavéram, ayant ainsi Law à des et d’Auteuil en face. Si Law n’avait pas été frappé de démence, ou annihilé par la peur, il n’avait qu’à passer le Coleron, de nuit, à marcher sur Clive, à le maintenir jusqu’à l’arrivée de M. d’Auteuil, et alors à l’écraser entre deux feux.

Les dieux de l’Inde, sans doute, pour être encore un peu maîtres chez eux, ne le voulurent pas ainsi. Law, tout entouré d’eau qu’il fût, ne l’était point par les Anglais qui se