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L’Amérique a trouvé, du premier coup, l’enseignement réaliste qui lui convenait. Tous les observateurs sont frappés, beaucoup sont émerveillés du caractère pratique des études. Il nous suffira d’un seul exemple, le Business-Collège de Sait Lak City, chez les Mormons. « On y fait une classe de banque et on y enseigne les affaires. Mais, au lieu de cours arides de comptabilité et de tenue de livres, il y a de vrais guichets tout autour de la classe. Les élèves se tiennent derrière ; ils ont de vraies caisses, de vrais livres de chèques et des billets de banque imités des vrais. Toutes les opérations s’y font en réalité, et sur des registres et des imprimés semblables à ceux des banques et des maisons de commerce. On y paie, on y encaisse, on y reçoit des ordres de vente et d’achat, au cours du jour... En sortant de là, les élèves peuvent, du jour au lendemain, entrer dans n’importe quel bureau et y prendre n’importe quelle place, sans stage et sans apprentissage[1]. » Cette méthode ne conduit peut-être pas à de grandes découvertes scientifiques ; mais elle paraît souveraine dans les applications. Les inventions américaines attestent le génie industrieux, l’audace créatrice d’esprits qui ne rêvent de connaître que pour agir et ne voient dans le savoir qu’un moyen de pouvoir.

La destination pratique des études, leur fin immédiatement et résolument utilitaire, doit contribuer à nous expliquer aussi l’importance qu’on attache à la culture physique. La santé et la force ne sont pas moins nécessaires dans la lutte pour la vie que l’intelligence et les connaissances. Les Américains semblent même penser qu’elles le sont davantage. De là leur prestige ; de là l’extrême faveur des exercices qui peuvent aider à les acquérir, les conserver ou les accroître. Même dans les collèges de filles, les sports sont pratiqués assidûment. Les matches intercollégiaux des Universités préoccupent infiniment plus l’opinion que les programmes ou les concours. A Harvard, à Yale, le hokey, le foot-ball, le baseball et l’aviron tiennent une place démesurée ; on travaille le muscle et le souffle avec plus d’ardeur que les facultés spéculatives et, pour quelques savans et quelques lettrés, on y forme à coup sûr beaucoup d’athlètes. La plupart de ces jeunes gens n’aspirent à aucune carrière libérale ou savante : ils s’entraînent, simplement, à être forts.

  1. J. Huret, op. cit., t. II. p. 144.