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qu’une symphonie de Franck ou de Saint-Saëns ne le soit pas. Mais du point de vue des seuls intérêts, il est bien évident qu’en retirant aux fabricans la liberté de reproduire même la musique sans paroles, on ne les prive pas d’un gros avantage. C’est pourquoi il est indispensable que la délégation française, sans s’arrêter à l’objection de ces intérêts qui ne sont point sérieusement lésés, défende rigoureusement et l’intérêt des compositeurs, et le principe même de la propriété artistique. Il convient de faire aux musiciens, dont la carrière est si difficile et les chances de succès si incertaines, un sort égal à celui des écrivains. On y arrivera en leur reconnaissant le droit exclusif de reproduction, et aussi le droit exclusif d’exécution, sans qu’ils aient besoin, comme maintenant, de se le réserver expressément sur le titre ou en tête de l’œuvre publiée.


V

L’Amérique tout entière, et, en Europe, l’Autriche-Hongrie, les Pays-Bas, la Roumanie, la Russie, la Turquie, les États balkaniques sont restés jusqu’ici hors de l’Union scellée successivement à Berne et à Paris. Le vœu de tous ceux qui s’intéressent aux destinées de la propriété intellectuelle est d’attirer ces États dans l’Union. Pour certains, l’heure paraît venue ; pour d’autres, elle reste lointaine. Il en est un, en tout cas, dont les desseins doivent être considérés à part, surtout en France, où l’on a tant de raisons de lui réserver et d’en attendre des égards particuliers : c’est la Russie.

Il est presque superflu de rappeler que les échanges intellectuels et artistiques ont précédé de longtemps, entre ce grand pays et le nôtre, l’alliance proclamée avec tant d’enthousiasme en 1896, et même la fameuse visite de notre escadre à Cronstadt. Longtemps avant, les Russes lisaient George Sand ; M. de Vogué, ensuite, rendit populaire en France le roman russe, et tout l’individualisme de nos romantiques nous revint pensé à nouveau, enrichi, transformé par le génie de ces grands romanciers, Dostoïevski et Tolstoï. La puissance intellectuelle de ce peuple, que l’opinion commune distinguait mal de l’Orient, nous apparut ; depuis, elle n’a cessé de rayonner jusqu’à nous. D’autre part, toute notre littérature, si riche depuis trente ans en