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bien qu’elle ne saurait comment s’y prendre toute seule pour réaliser ses aspirations. Tout de suite conquise par le charme de miss Lambart, elle confia à celle-ci le soin de lui organiser une existence en rapport avec ses visées mondaines. La jeune fille s’associa avec Le Fanois pour cette entreprise, et à eux deux ils eurent vite installé Mrs Smithers dans l’hôtel du ci-devant ami de Le Fanois, dont celui-ci avait lui-même aménagé l’intérieur. Puis on organisa une brillante série de dîners et de bals, où les amis de Le Fanois se retrouvèrent avec un plaisir qu’ils oublièrent quelquefois de témoigner à la maîtresse de maison. Cependant, la jeune Catherine fut remarquée. Malgré sa démarche brusque, sa voix nasillarde, son rire assourdissant, il y avait en elle une fraîcheur, un éclat de vie et de jeunesse qui faisaient excuser son manque d’éducation sociale. C’était une « bonne fille, » et on lui savait gré de sa naïveté et de son humeur joviale.

— On en a tant vu, de ces intrigantes souples et adroites que vous nous envoyez de là-bas, dit Le Fanois à Blanche, avec son sourire moqueur. Cette enfant nous repose un peu de ces physionomies-là. Je crois que ses défauts mêmes nous aideront à la caser.

Ils étaient assis auprès de la table à thé du minuscule salon de miss Lambart. Depuis deux ans, elle avait pu s’installer à un cinquième étage dans un modeste appartement, où elle recevait ses visiteurs avec l’indépendance d’une femme mariée.

— Que voulez-vous ? disait-elle, je n’ai de quoi me payer, ni un mari, ni une dame de compagnie ; il faut bien que je réunisse toutes ces fonctions dans ma seule personne.

Elle répondit par un sourire à la légère impertinence du jeune homme.

— J’avoue, dit-elle, que les compatriotes que nous vous envoyons ne donnent pas toujours l’exemple de la fierté démocratique. Mais ne valent-elles pas les maris que vous avez si peu de peine à leur trouver ?

Il ne répondit pas, et elle reprit :

— Je ne sais pas si nous trouverons si facilement à caser la petite Catherine. Je partage votre avis sur elle, et, pour rien au monde, je ne voudrais qu’elle fût mal mariée.

Le Fanois réfléchit un instant ; puis il dit :

— Que diriez-vous de Jean de Sestre ?